15 avril 2020 | Libération immédiate de Moussa Tchangari et d'autres représentants de la société civile nigérienne
Le 15 mars 2020, Moussa Tchangari – scrétaire général de l'organisation “Alternative Espaces Citoyens” au Niger – a été arrêté après une manifestation avec plusieurs autres représentants de la société civile nigérienne pour des motifs peu convaincants. Depuis lors, il est assis dans une prison à 100 kilomètres de la capitale Niamey. Afrique-Europe-Interact a travaillé avec Moussa Tchangari à plusieurs reprises, notamment lors de la conférence Comment sortir de la violence ? à Francfort en mars 2019. Dans cette optique, nous demandons que des lettres de protestation soient envoyées à l'ambassadeur du Niger à Berlin et au ministre allemand des affaires étrangères Heiko Maas (veuillez envoyer les lettres par la poste, pas de courrier électronique – selon notre expérience, c'est beaucoup plus efficace).
Les deux lettres peuvent être téléchargées ici (l'adresse est sur l'en-tête).Vous trouverez de plus amples informations dans une lettre signée par Amnesty International et d'autres organisations ci-dessous. En outre, veuillez vous référer au site web en langue allemande d'Amnesty International, où une lettre de protestation numérique peut également être envoyée.
En outre, Afrique-Europe-Interact a envoyé des lettres similaires au ministère allemand des affaires étrangères et à plusieurs membres du Bundestag ainsi qu'à l'ambassade du Niger – à l'ambassade du Niger également en français, afin que cette dernière puisse facilement transmettre le contenu au gouvernement nigérien.
Lettre de protestation à l'ambassadeur du Niger
Nom :
Adresse :
Date :
Détention de six représentants de la société civile nigérienne
Monsieur l'Ambassadeur,
Par l'intermédiaire de l'organisation de défense des droits de l'homme Afrique-Europe-Interact, j'ai appris qu'entre le 15 et le 17 mars 2020, au moins 15 représentants de la société civile nigérienne ont été arrêtés et que 6 d'entre eux sont actuellement encore en détention préventive.
Les données fournies par Afrique-Europe-Interact s’appuient sur trois sources : Premièrement, une déclaration publiée par plusieurs organisations de la société civile le 24 mars 2020, dont Amnesty International (1), deuxièmement, une déclaration de Tournons la Page le 24 mars 2020 (2) et troisièmement, un article de journal publié dans le quotidien allemand la “taz” le 17 mars 2020 (3). De plus, je voudrais souligner qu'Afrique-Europe-Interact a déjà travaillé avec Moussa Tchangari – l'un des détenus. Moussa Tchangari est secrétaire général de l'organisation de la société civile Alternative Espaces Citoyens (AEC), et en mars 2019, il a pris la parole lors d'une conférence à Francfort co-organisée par Afrique-Europe-Interact (4).
Ces arrestations sont liées à un rassemblement qui devait avoir lieu à Niamey le 15 mars 2020. Sur le plan thématique, les organisateurs ont voulu exiger la remise à la justice nigérienne d'un rapport d'enquête commandé par le ministre de la Défense Issoufou Katambé. Selon ce rapport, des membres du ministère de la défense ont détourné d'énormes sommes d'argent du budget de l'armée depuis 2015. Mais ce rassemblement n'a pas eu lieu. Car dès le 13.03.2020, le rassemblement a été interdit en raison de la menace de propagation du virus corona, sans que cette interdiction ait été communiquée officiellement aux organisateurs. Au lieu de cela, le rassemblement à Niamey le 15.03.2020 a été violemment dispersé par les forces de sécurité nigérienne. Dans le même temps, un marché a également pris feu, tuant tragiquement trois personnes. Jusqu'à présent, on ne sait pas exactement comment le feu a commencé, mais des témoins oculaires disent que des grenades lacrymogènes de la police sont tombées sur le toit du marché.
Il est donc d'autant plus incompréhensible qu'en raison de ces événements, des représentants de la société civile emprisonnés soient maintenant placés en détention préventive. Car les personnes concernées n'ont fait qu'exercer leur droit en vertu de la constitution nigérienne et ont appelé à une manifestation pacifique. De plus, il n'y a pas la moindre indication que les détenus soient d'une quelconque manière responsables de l'incendie ou d'autres dommages matériels.
L'interdiction des manifestations le 15.03.2020 n'a pas fait exception à la règle. Tournons la Page a plutôt souligné dans un rapport publié le 24.03.2020 que les manifestations de l'opposition ou de la société civile ont été systématiquement interdites partout au Niger depuis le début de 2018, généralement en raison de la situation sécuritaire tendue (5). En ce sens, la question se pose également de savoir si c'est vraiment la crise du Coronavirus qui a conduit à l'interdiction des rassemblements.
Monsieur l'Ambassadeur, compte tenu de cette situation, je vous prie instamment de faire tout ce qui est en votre pouvoir pour obtenir la libération immédiate des six personnes détenues – à savoir
- Mounkaila Halidou
- Sani Chekaraou
- Moudy Moussa
- Habibou Soumaila
- Moussa Tchangari
- Maikoul Zodi
Je vous demande également de soutenir la clôture de la procédure. Dans ce contexte, permettez-moi de signaler que j'ai écrit au ministre allemand des affaires étrangères, Heiko Maas, sur la même question.
Je vous prie d'agréer, Monsieur l'Ambassadeur, l'expression de mes sentiments distingués,
(Signature]
Notes de bas de page :
(1) https://www.lacimade.org/niger-des-organisations-de-la-societe-civile-demandent-aux-autorites-de-mettre-un-terme-au-harcelement-des-defenseurs-des-droits-humains/)
(2) http://tournonslapage.com/fr/content/rapport-niger-quand-lantiterrorisme-justifie-la-restriction-de-lespace-civique
(3) https://taz.de/Tote-bei-Protest-in-Niger/!5671864/
(4) https://afrique-europe-interact.net/1834-2-Brochure-francais.html
(5 ) http://tournonslapage.com/fr/content/rapport-niger-quand-lantiterrorisme-justifie-la-restriction-de-lespace-civique
Lettre de protestation au ministre allemand des affaires étrangères
Pas encore disponible.
Informations générales sur les arrestations
24 Mars 2020
Niger – Des organisations de la société civile demandent aux autorités de mettre un terme au harcèlement des défenseurs des droits humains
Plusieurs organisations de la société civile* expriment leur préoccupation concernant l’interpellation d’au moins 15 membres de la société civile nigérienne ainsi que la mise en détention et l’ouverture de poursuites judiciaires à l’encontre de sept d’entre eux. Ces événements se déroulent dans le cadre d’un climat de plus en plus délétère pour la société civile au Niger où plusieurs graves atteintes aux libertés fondamentales ont été enregistrées au cours des dernières semaines.
Le 13 mars, un communiqué du conseil des ministres concernant des mesures prises pour lutter contre la propagation du COVID-19 a été rendu public, interdisant tout rassemblement d’au moins 1000 personnes.
Le 15 mars, rassemblement a été organisé à Niamey la capitale, pour dénoncer un détournement de fonds publics pour l’achat de matériel d’armement destiné à lutter contre le terrorisme. Les organisateurs avaient déclaré ce rassemblement avant la publication du communiqué du conseil des ministres et n’avaient par la suite pas reçu de notification d’arrêté d’interdiction et, avaient par conséquent, décidé de maintenir le rassemblement malgré l’interdiction. Ce même jour, très tôt dans la matinée, les forces de sécurité ont bloqué toutes les voies menant à la Place de la concertation à Niamey, lieu prévu pour le rassemblement.
Les forces de l’ordre ont par ailleurs utilisé des gaz lacrymogènes pour disperser le rassemblement. Selon de nombreuses sources, les tirs de gaz seraient à l’origine d'un incendie sur le toit d’un marché de Tagabati engendrant la mort d’au moins 3 personnes.
Entre les 15 et 17 mars, au moins 15 personnes ont été interpellées et détenues dans les locaux de la police judiciaire pour « participation à une manifestation interdite et complicité d’incendie volontaire ». Plusieurs de ces activistes avaient déjà été arrêtés en 2018 dans le cadre d’une vague d’arrestations liée aux protestations contre la loi de finances de 2018.
À ce jour, Moudi Moussa, Mounkaila Halidou, Moussa Tchangari, Habibou Soumaila, Sani Chekaraou et Maïkoul Zodi** sont toujours placés sous mandat de dépôt. Ils ont été transférés dans différentes prisons, certaines situées à plus de 100 km de la ville de Niamey et dans des zones placées en état d’urgence. Ils sont poursuivis pour « d'organisation d’une manifestation interdite et complicité de destructions des biens publics, incendies volontaires et homicides involontaires », à l’exception de Sani Chekaraou qui est poursuivi pour « voie de fait sur les autorités du grand marché ».
Les jours précédents la manifestation, plusieurs journalistes avaient été ciblés**, journaliste et défenseur des droits humains, est toujours détenu, accusé de « diffusion de données pouvant troubler l’ordre public » simplement pour avoir informé de l’existence d’un cas suspect.
Le 20 mars, après avoir signalé un premier cas de COVID-19, les autorités nigériennes ont suspendu toutes les visites aux détenus pendant une période d’au moins trois mois et toutes les audiences judiciaires, jusqu'au 25 mars.
Les organisations signataires soulignent:
1. Leurs préoccupations face à la montée croissante de la répression de la société civile au Niger et l’instrumentalisation des risques liés à la pandémie du COVID-19 pour asphyxier l’espace civique en ligne et hors ligne – notamment les droits à la liberté d’expression, de réunion pacifique, d’association, et de participation politique garantis par les obligations internationales et par la Constitution du Niger;
2. Si des mesures d'exception sont permises pour faire face à des questions sanitaires, elles doivent respecter les strictes conditions de nécessité, de proportionnalité de légalité, et de non-discrimination en vertu des normes internationales établies en la matière, en particulier les articles 4, 9, 10, 14, 19, 21, 22 et 25 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques ratifié par le Niger en 1986.
En particulier, les déclarations d'urgence justifiées par l'épidémie de COVID-19 ne doivent pas servir de couverture à une action disproportionnée et répressive de la part des autorités, comme le souligne un récent communiqué des Rapporteurs spéciaux des Nations Unies:
• Ces mesures ne peuvent en aucun cas servir à harceler judiciairement les défenseurs des droits humains, notamment à la possible fabrication de charges d’accusation;
• Bien que les restrictions aux visites en personne ou aux contacts des personnes en détention peuvent être légitimes pour prévenir l’épidémie de COVID-19, ces restrictions doivent être proportionnées à l'objectif de prévention (ou de réponse à) une épidémie. Les visites de détenus doivent être remplacées par des moyens et des opportunités de contacter le monde extérieur, par exemple par téléphone, e-mails ou appels vidéo.
• Les services de justice doivent pouvoir assurer un service minimum afin de garantir la continuité des procédures judiciaires et l’état de droit, dans le respect du droit à un procès équitable.
3. Le Niger vient de rejoindre l'Initiative pour la Transparence dans les Industries Extractives. Les autorités nigériennes se doivent donc de respecter leurs engagements dans ce cadre.
***
Les organisations signataires appellent les autorités du Niger à:
• Mettre un terme à toute pratique de harcèlement contre les membres de la société civile sous justification de sécurité sanitaire
• Se conformer aux normes internationales en vigueur relatives aux conditions dérogatoires d’exception permises, notamment par le Pacte international sur les droits civils et politiques, la Déclaration universelle des droits de l’Homme et les instruments régionaux et internationaux relatifs aux droits humains ratifiés par le Niger.
• Mener une enquête indépendante et impartiale dans le cadre des faits enregistrés lors de la manifestation du 15 mars, notamment ceux ayant conduit au décès d’au moins trois personnes – identifier les auteurs et les présenter devant un tribunal civil, dans le respect du droit à un procès équitable;
• Garantir le respect des droits des détenus, notamment leurs droits à des conditions d’hygiène et d’alimentation adéquates, l’accès aux soins et l’accès au monde extérieur à travers les communications avec leurs avocats, familles et proches;
Les organisations signataires appellent les organisations suivantes:
• Le Haut-Commissariat aux droits de l’homme des Nations Unies à exhorter les autorités du Niger à mettre en œuvre les demandes ci-dessus mentionnées;
• Le Secrétariat international de l’ITIE à entrer en contact avec les autorités du Niger et de s’assurer que le gouvernement suive les recommandations susmentionnées, afin de remplir les exigences du Protocole de la société civile. Si ces exigences ne sont pas respectées, le Secrétariat de l’ITIE devrait envisager la remise en cause de l’acceptation de la candidature du Niger;
**
M. Moudi Moussa, coordonnateur National de Tournons La Page (TLP), Président Mouvement des jeunes Républicains (MJR), organisation membre de Publiez ce que vous Payez (PCQVP) Niger
M. Mounkaila Halidou, secrétaire général du Syndicat National des Agents Contractuels et fonctionnaires de l’éducation de base (SYNACEB) et Membre du Réseau des Organisations pour la Transparence et l’Analyse Budgétaire (ROTAB), organisation membre de PCQVP Niger, ancien Président du Comité d’administration de PCQVP Niger
Maikoul Zodi, coordonnateur National de Tournons la Page, President de MJR, organisation membre de PCQVP Niger
Moussa Tchangari, secretaire general d’Alternative Espaces Citoyens (AEC)
Sani Chekaraou, président de Syndicat des Commerçants importateurs et exportateurs du Niger
Habibou Soumaila, chargé de communication du bureau régional TLP-Niamey
Mamane Kaka Touda, journaliste et défenseur des droits humains, Coordinateur Programme “Jeunesse” de l’ONG «Alternative Espaces Citoyens»
Signatories/Signataires
• Publish What You Pay (PWYP)
• Tournons la Page (TLP) Niger
• Tournons la Page International (TLP)
• Amnesty International
• Agir Ensemble pour les droits de l’homme (AEDH)
• CCFD-Terre Solidaire
• CIVICUS
• The Lebanese Oil and Gas Initiative-LOGI
• Action de Partenaires pour l’Appui au Développement (APAD), membres coalition PCQVP Tchad
• FIDH, dans le cadre de l’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l’Homme
• Organisation mondiale contre la torture (OMCT), dans le cadre de l’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l’Homme
• PCQVP Tunisia
• Global Witness
• Eritrea Focus
• Human Rights Concern – Eritrea (HRCE)
• The Future We Need
• Goenchi Mati Movement
• TI Madagascar (TI-MG), member of the Malagasy PWYP Coalition
• Africans Rising
• Center for Civil Liberties (Ukraine)
• Réseau Migration Développement -REMIDEV (Sénégal
• Groupe d’Action pour le Progrès et la Paix (GAPP-Afrique) présent au Canada, France, Bénin et Mali
• Odhikar, Bangladesh
• Open Briefing
• Metro Center For Journalists Rights & Advocacy
• Spaces for Change (S4C), Nigeria
• Publish What You Pay- Malawi
• Association Marocaine des Droits humains -Maroc
• ActionAid Sénégal
• Publish What You Pay-United States
• Tournons la Page Tchad
• International Rivers, USA
• Action des chrétiens pour l’abolition de la torture au Congo
• Environment-rights
• La Cimade
• MIGREUROP
• SOS Faim Luxembourg
• RITIMO
• Collectif Loujna Tounkanranké
• Natural Resource Governance Institute
• Secours Catholique Caritas France
• Coligação Publicar o Que Você Paga Guiné-Bissau
• Publish What You Pay UK