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12.10.2014 | Appel contre l'expulsion des refugiés du camp Choucha

Pour le HCR, l'OIM, la Croix-Rouge tunisienne, le gouvernement tunisien et tous les acteurs impliqués dans la gestion du camp de Choucha

Alertés par le préavis d’expulsion donné par l'OIM et la Croix-Rouge en Tunisie aux personnes qui vivent encore dans le camp de refugiés de Choucha, nous, chercheurs, militants, universitaires et membres d’organisations des droits de l’Homme d’Europe et de Tunisie, dénonçons le traitement intolérable réservé aux réfugiés qui vivent dans ce camp depuis 2011. Les acteurs humanitaires ont laissé ces réfugiés sans aucun soutien dans des conditions de vie très dégradées dans le désert après la fermeture officielle du camp en Juin 2013. Depuis, la plupart d'entre eux ont tenté de traverser la mer au péril de leur vie et certains sont morts au cours de ces tentatives. Ce comportement est contraire aux lignes directrices de fermeture des camps de refugiés du HCR qui affirment l’importance de protéger la population réfugiée qui reste sur place.

Maintenant, au lieu de réfléchir et de mettre en œuvre une solution durable, vous essayez de les chasser du seul endroit qu'ils ont pour vivre, sans prendre en compte la précarité de leur statut juridique, les réfugiés et les réfugiés rejetés n’ayant pas reçu de permis de séjour dans ce pays.

Devant une telle situation, vous leur suggérez de se réinstaller dans d’autres villes tunisiennes, mais quel type d'intégration envisagez-vous pour des personnes auxquelles a été refusée la protection internationale par le HCR et qui sont maintenant en situation irrégulière en Tunisie?

Vous les avez aussi encouragés à retourner dans leur pays d'origine, comme si c’était par plaisir qu’ils s’étaient déplacés d’abord en Lybie puis en Tunisie. Au contraire, plusieurs d’entre eux sont nés en Libye ou dans le camp de Choucha et ils n’ont jamais vu leur soi-disant « pays d’origine », d’autres risquent la persécution politique en rentrant. En outre, le montant ridicule d’argent offert par l'OIM pour le «retour volontaire» est un affront pour ceux qui ont passé des années en Libye et dont la vie a été détruite par la guerre.

Une troisième issue inévitable, dont vous n'avez pas le courage de parler explicitement, est en dernier recours de prendre un bateau et traverser la Méditerranée: en les illegalisant en Tunisie et en leur enlevant le seul endroit qu’ils ont pour vivre, vous ne leur laissez d’autre voie que de risquer de mourir en mer.

Par cette déclaration, nous demandons à l'Union Européenne de réinstaller en Europe, toutes les personnes abandonnées au camp de réfugiés de Choucha et nous vous informons que nous n'allons pas laisser ces personnes seules dans leur lutte.

Nous témoignerons de vos actions. Ce que vous êtes en train de faire à la sauvette ou comme si c’était une mesure banale, nous nous y opposerons par tous les moyens. En laissant ces gens dans le désert pendant des années et, maintenant, en essayant de les expulser, vous laissez apparaitre les contradictions et les échecs de la politique européenne d'externalisation de l'asile. Ces personnes ont vécu dans le désert dans une zone dangereuse près de la frontière de Ras Jadir depuis 2011, alors que la Libye vit une crise politique qui empire de jours en jours. Comment pouvez-vous dire que ces gens n’ont pas besoin d’aide humanitaire? Plusieurs d’entre eux sont malades, vieux, ou mères avec enfants. Au moins pour les personnes plus vulnérables il doit y avoir une solution !

Nous ne disons pas que Choucha est la solution pour eux: un camp n'est jamais une solution car il s'agit d'un système de confinement de la mobilité des personnes. Cependant, aujourd'hui, Choucha n'est plus un camp, il est le seul espace où ces personnes peuvent rester, et il est l'espace dans lequel ils luttent pour réclamer leur réinstallation dans des pays tiers. Ils ne sont pas là parce qu’ils veulent s’y installer, mais parce que leur présence dans le camp est une forme de lutte politique collective, et vous avez essayé de dompter cette résistance depuis le début. Reconnaissant le travail que vous avez tous fait à la suite de la crise libyenne, nous croyons fermement que vous pouvez travailler pour trouver une solution concrète pour les personnes qui vivent encore dans le camp de Choucha et qui sont incapables de retourner dans leurs pays de provenance. Ces personnes luttent pour survivre depuis plus de trois ans maintenant. Nous allons continuer à soutenir leur lutte et à contrer la stratégie d'abandon et de criminalisation de ces personnes, et nous suivrons de près les étapes à venir, demandant fermement au HCR et à l'Union Européenne:

  • La réinstallation des personnes du camp de Choucha dans un pays tiers sûr et l’octroi à tous d’une protection humanitaire en tant que personnes qui ont fui la guerre en Libye, soutenue par les Etats européens ;
  • De réexaminer leur dossiers de demande d’asile compte tenu de la situation géopolitique actuelle à la frontière tuniso-libyenne ;
  • D’accorder à toutes les personnes de Choucha une possibilité concrète de construire leur vie dans un lieu sûr et de régulariser immédiatement leur statut juridique en Tunisie ;
  • De ne pas expulser le camp et de permettre aux gens de Choucha de rejoindre les pays européen avec des system d’asile effectif de façon sûre et légale.

Signatures:

Martina Tazzioli, Universtity of Oulu, Finland; Glenda Garelli, University of Illinois at Chicago, USA; Debora Pistoia, Tunis, Tunisia; Francesca Zampagni, Vienna, Austria; Conni Gunsser, Afrique-Europe Interact, Germany; Miriam Edding, Siftung:do, Germany; Monica Scafati, Italy; Marta Bellingreri, Tunis, Tunisia; Nicanor Haon, France; Hagen Kopp, No one is Illegal, Hanau, Germany; Marion Bayer, Welcome to Europe, Germany; Mireille Urbaine, LaCimade, Marseille, France; Serge Slama, France; Helmut Dietric, Germany; Samuel Gratacap, photographer; Giulia Breda, University of Nice, France; Cinzia Greco, Crea, Roma, Italy; Abidi Najib, videomaker, Tunis, Tunisia; Imed Soltani, Association La terre pour Tous, Tunis, Tunisia; David Landau, No one is Illegal; Fulvio Vassallo, University of Palermo, Italy; Judith Gleitze, Borderline Sicilia, Italy; Walid Fellah, videomaker, Tunisia; Vanda Mariucci, Italy; Elisa Marini, Italy; Nicoletta Salvi, Turin, Italy; Choukri Bakar; Gabriella Guido, Lasciatecie Entrare, Italy; Galya Ruffer, Center for Forced MIgration Studies, Northwestern University, Chicago, US; Toni Negri, Philosopher, Paris, France; Sandro Mezzadra, University of Bologna, Italy; Nicholas De Genova, King’s College, London, UK; Judith Revel, University of Paris Ouest-LaDefense, France; Federica Sossi,University of Bergamo, Italy; Maurice Stierl, Warwick University, UK; Mimmo Perrotta, University of Bergamo, Italy; Swanie Potot, University of Nice; David Fedele, Videomaker and journalist; Oana Parvan, Goldsmiths, University of London; Stefania Donzelli, University of Amsterdam; Alessia Tibollo, Italy; Dario Del Pistoia, Italy; Rossana Pezzini, Italy; Andrea Cocco, AMISNET, Italy; Teresa Hayter, UK; Mauro Savo, Ravenna, Italy; Mario Sommella, ALBA Articolo 3; Lorenzo Pezzani, Goldsmiths College, London; Leonie Ansems De Vries, Queen Mary University, London; Yari Lanci, Goldsmiths College, London; Filippo Furri, Parigi, EHESS, Paris; Marguerite Rollinde; researcher, France; Aurore Mottet, researcher, University of Nice; Neva Cocchi, Meltingpot Europa, Italy; George Cuff, Refugee support service, British Red Cross; Oliver Belcher, University of Oulu, Finland; Mark Griffiths, University of Oulu, Finland; Lauren Martin, University of Oulu, Finland; Alessandra Sciurba, Meltingpot and University of Palermo, Italy; Jose Royem, University of British Columbia, Canada; Bruno Colet, Belgium; Antionio Guarino, Italy; Stefano Galieni, Corriere Immigrazione and Rifondazione Comunista, Italy; Irene Peano, University of Bologna, Italy; Federico Oliveri, University of Pisa, Italy; Eli Mc Bett; Orazio Irrera, University of Paris I, France; Hamadi Zribi, Tunis, Tunisia; Patrizia Mancini, Tunisi, Tunisisia; Giada Frana, Italy; Francesco Diasio, Italy; Sergio Reyes, Immigrant Rights Activist, Boston, USA; Pascale Ratovonony, Biarritz, France; Rosanna Conti, Melzo, Italy; Kais Zriba, Journalist, Tunis, Tunisia; Michele Galliera, Italy; Walter Gussoni, Pontremoli, Italy; Simona Ferrari, Italy; Camara Laye, Coordinateur Conseil des Migrants Subsahariens au Maroc; Martine Devries, Calais, France; Mario Antomelli, Milano, Italy; Céline De Vos, étudiante, Bruxelles, Belgium; Norma Claire Moruzzi, University of Illinois at Chicago, USA; Jose Royes, University of British Columbia, Canada; Teresa Hayter, UK; Nadia Hammami, intervenant juridique et chercheuse, Nice, France; Heidi J. Nast, Professor, DePaul University; Martine Devries, Calais, France; Céline De Vos, étudiante, Bruxelles, Belgium; Emmanuel Gatoni Sebatutsi, refugee, formerly at Choucha camp; Camara Laye, Coordinateur Conseil des Migrants Subsahariens au Maroc; Evelina Gambino, Goldsmiths College, UK; Michela Summa, University of Heidelberg, Germany. Le forum Tunisien pour les Droits Économiques et sociaux, FTDES; Hamburger Stiftung für Migranten; Siftung:do, Germany; JAFEM, Joint Action for those Forced to Emigrate; Network of Social support of refugees and migrants, Athens, Greece; Flüchtlingsrat Hamburg (Refugee Council Hamburg), Germany; Borderline Europe, Sicily; Rete antirazzista catanese, Italy; Osservatorio Iraq, Italy; Tunisia-in-Red; LasciteCie Entrare; ALBA, Italy; Network of Social Support to Refugees and Migrants, Athens, Greece; Le Comité de Vigilance pour la Démocratie en Tunisie, Belgique; L'Association des Tunisiens en France; Network of Social Support to Refugees and Migrants, Greece; AMISnet: Agenzia Multimediale di Informazione Sociale, Italy; Flüchtlingsrat, Germany; Conseil de migrants subsahariens au Moroc; La Coalition Internationale des Sans-Papiers et Migrants, CISPM; Coordination 75 des sans-papiers, CSP75; Association Droits Ici et Là-Bas, DIEL.