Afrique-Europe-Interact/Section européenne : Solidarité avec les mouvements sociaux au Mali !
Le 9 avril 2012
Suite à la guerre au nord du Mali, un groupe d’officiers renversaient, le 22 mars 2012, par un coup d’Etat le président Amadou Toumani Touré. Les chefs d’Etat de la Cedeao (Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest), en particulier le président ivoirien Alassane Ouattara, ex-fonctionnaire de la Banque Mondiale, très lié à la France, ont réagi en faisant pression : ils ont menacé, appuyés par la France, d’intervenir militairement et décidèrent un embargo économique, privant ainsi les habitants du Mali de tout approvisionnement vital. Puisque entre-temps les putschistes ont signé un accord pour transmettre le pouvoir à un gouvernement provisoire civil, les sanctions ont été levées le 6 avril dernier.
En tant que section européenne du réseau transnational Afrique-Europe-Interact, nous critiquons l’attitude des gouvernements européens qui, soit disant inquiets pour la démocratie au Mali, ont condamné très rapidement le putsch, sans montrer le moindre intérêt pour la situation et les revendications des gens au Mali. Beaucoup de citoyens maliens ont salué le renversement du président Touré, car ils en ont depuis longtemps assez d’une élite qui, depuis des années, se partage l’argent public et les privilèges au détriment de la majorité de la population qui s’appauvrit, se cachant derrière le paravent d’une pseudo démocratie à l’occidentale. Ces élites dirigeantes sont partout les partenaires privilégiés, prêts à coopérer pour le pillage néocolonial des ressources de l’Afrique, comme l’or, les terres arables fertiles, le coton et nouvellement l’uranium, en ce qui concerne le Mali. Par conséquent, chaque remise en question de ces structures du pouvoir néocoloniales, c'est-à-dire chaque manifestation d’une aspiration à l’autodétermination, à des conditions de vie dignes et à une réelle participation démocratique, venant des populations africaines est comme une épine dans le pied des gouvernements européens. Il en est de même pour les chefs d’Etat d’autres pays africains, hantés par la crainte d’un soulèvement de leur population. Mentionnons ici, à titre représentatif, le président du Burkina Faso, Blaise Compaoré, venu au pouvoir en 1987, après la mort de son prédécesseur toujours autant tenu en estime en Afrique, Thomas Sankara.
Il n’est pas du ressort de la section européenne Afrique-Europe-Interact de se positionner politiquement pour ou contre le putsch du 22 mars. Nous voulons plutôt exprimer notre solidarité à tous ceux qui luttent au sein des mouvements sociaux au Mali contre un ordre politique et économique qui ignore les besoins de la majorité des gens. Notre solidarité va par conséquent aux luttes des paysans contre l’accaparement des terres, aux organisations de personnes touchées par les expulsions et les destructions de logements en milieu urbain, aux travailleurs en grève contre les licenciements massifs et la privatisation destructrice d’entreprises étatiques, aux expulsés auto-organisés, défendant le droit à la liberté de circulation et engagés contre la fermeture des frontières, aux luttes féministes pour les droits et le libre arbitre des femmes maliennes, pour ne prendre que quelques exemples.
Au nord du Mali, des centaines de milliers de gens sont, à cause de la guerre, privés des produits de première nécessité et menacés par la famine ; 220.000 personnes sont en fuite vers les pays voisins déjà extrêmement pauvres, comme la Mauritanie, le Niger et le Burkina Faso. La guerre au Mali a d’abord été déclenchée par des mercenaires de la guerre de Libye ; ceux qui en partagent la responsabilité, ce sont tous les pays européens qui des années durant ont équipé le régime de Kadhafi avec un arsenal d’armes impressionnant, pour, entre autre, ériger dans le nord de l’Afrique une barrière défensive contre les migrants subsahariens. C’est aussi pour cette raison qu’avec les acteurs de la société civile du Mali, nous appelons à soutenir les réfugiés de la guerre et de la faim et à prendre des mesures en faveur de la sécurité alimentaire et la souveraineté alimentaire de la population. Nous demandons notamment à tous les acteurs armés de mettre fin aux violences et aux menaces de violences envers la population civile.
Nous ne voyons aucune perspective dans le traçage de nouvelles frontières territoriales qui n’est une réponse ni au manque de perspectives sociales et économiques ni à la marginalisation au nord du Mali (qui touchent particulièrement les Touaregs). Ceci entraînerait, au contraire, de nouvelles exclusions, expulsions et violences. Nous proposons, au contraire, de soutenir tous ceux qui défendent une cohabitation pacifique, égalitaire, basée sur la dignité de chacun, en respectant les droits des membres des différentes communautés, linguistiques ou autres du Mali, y compris celui de dépasser les frontières.
Nous critiquons, de plus, la tendance de la France et d’autres d’instrumentaliser la guerre au Mali pour développer sa propre présence militaire dans la région. La militarisation du Sahel sert non seulement à assurer les intérêts économiques et énergétiques néo-coloniaux, mais aussi à renforcer le cloisonnement des frontières intérieures africaines contre les réfugiés et les migrants. Déjà maintenant, de nombreux migrants, qui s’étaient mis en route vers le nord ou bien « refoulés » par les Etats arabes, restent, à cause de la guerre, coincés dans les zones frontalières entre le Mali et l’Algérie.
A la place de la guerre, des frontières militarisées et d’une politique de défense d’intérêts néocoloniaux, nous voulons la liberté de circulation, la cohabitation pacifique, librement décidée et égalitaire pour tous les habitants du Mali ou d’ailleurs ! C’est pour quoi, nous nous déclarons solidaires avec les luttes sociales menées contre l’injustice, la pauvreté et l’exploitation !
Vous trouverez de plus amples informations concernant le réseau Afrique-Europe-Interact sur notre site Internet, y compris deux déclarations de la société civile malienne sur le développement actuel de la situation au Mali : www.afrique-europe-interact.net
Le bon droit et la bonne justice pour tous !