3 avril 2020 | Mali : Rapport sur le Mali par Alassane Dicko
Alassane Dicko vit à Bamako, il est chargé des relations publiques d'Afrique-Europe-Interact au Mali.
Le miracle malien a été de courte durée et se transforme en séries d'inquiétudes sur les effets directs de covid 19 dans le quotidien des populations et surtout les impacts à venir concernant le carême musulman en fin avril 2020. Le laisser-aller d'insouciance et les rumeurs déraisonnées sur les réalités de la maladie ont laissé la place aux prises de consciences “brutales “de l'introduction du Corona virus au Mali, avec les “scandales “ des retours des groupes de Maliens de France (300 le 20 mars ), Italie (250 le 21 mars ) et de Chine (plus 100 le 20 mars ) après la fermeture annoncée de toutes les frontières ainsi que le bouclage de l'aéroport de Bamako. Les vols Air France et CorsAir et autre Ethiopian AirLines ont acheminé des centaines de passagers vers le Mali et cela a provoqué le choc collectif dans les Maliens en pleine campagne électorale et les mesures sécuritaires et sanitaires ont fini de convaincre les opinions sur les tergiversations des Autorités à maintenir une bonne application des mesures pour contrer le Covid 19. Les différentes découvertes de cas intérieurs sur la maladie a donc amené les populations à s'approprier les gestes barrières et à discuter ouvertement des impacts sociaux et économiques si cela devait durer jusqu'au mois du carême qui va concerner plus de 90% des populations Maliennes….
Les épisodes suivants sur la mise en quarantaine d'une famille complète (11 personnes) dont 2 membres avaient eu les contacts avec une fonctionnaire de retour récemment d'une mission extérieure. Ainsi que cet autre employé de banque déclaré positif après les constats de divers symptômes par ses collègues. Ce cas aurait nécessité la recherche d'une bonne centaine d'individus ayant potentiellement ou occasionnellement eu des contacts rapprochés avec lui dans la ville. Ces évènements ont nourri les débats sur les multiples facteurs de risques qui menacent la vie de proximité en famille et dans les activités socio-économiques, chaque jour renouvelées pour les ressources de vie et la cohésion sociale. Les populations adoptent moyennement les gestes barrières, les embouteillages des motos et véhicules du matin sont moindres et les commerces sont au ralenti. Les Maliens se réveillent aux nouvelles sur les suites de l'enlèvement de l'opposant politique Soumaïla Cissé, le couvre-feu effectif de 21h à 05h et au lendemain du premier tour des élections législatives; Bamako s'anime sans le dynamisme habituel. Plusieurs services de l'administration, des grandes institutions et les banques fonctionnent en demi-effectif tandis que les entreprises et usines ont mis une grande partie du personnel en congé technique, mettant des milliers d' individus en “isolation extérieure forcée “ afin d'éviter le regroupement en nombre. Les commerçants du grand-marché se plaignent déjà du manque de clientèle et certains grossistes se disent qu'il faudra mieux fermer boutique si la situation dure dans le temps. Ils craignent également la rupture ou le retard des nouveaux approvisionnements puisque les ports de livraisons maritimes de Dakar et Abidjan (villes isolées du reste du pays ) sont fermés aux bateaux venant des pays et zones à haut-risques pandémiques. Cela conforte toutes les appréhensions des populations qui aspirent d'autre part à se protéger de la maladie; mais les questions importantes restent les manques à gagner et les mesures d'accompagnement que le Gouvernement va prendre pour amortir les effets pénibles des mesures de fermetures, isolations et des confinements.
La situation sanitaire évolue de jour en jour depuis les décès annoncés de 12 Maliens en France, la contamination d'un médecin soignant, nous en sommes à 36 cas positifs officiellement; 3 décès, plus de 520 en quarantaine à la date du 02 Avril 2020. Par ailleurs on parle de plusieurs lieux de confinement sanitaire à domicile car les “rumeurs” font état de cas positifs introduits par la poursuite de la réception des avions ainsi que des convois d'étudiants maliens qui ont aussitôt rejoint leur famille et village une fois rentrés au Mali. La polémique continue et les populations exigent plus de fermeté dans le contrôle des frontières malgré les questions profondes que cela soulève. Entre autres, faut-il laisser circuler seulement les marchandises et que faire des immigrés Maliens de France, Italie et Chine qui veulent rentrer au pays? Les débats publics font état des exemples des “facilités “ engagées par les pays voisins tels au Burkina Faso et de la Guinée sur les prix de carburant et contre l'augmentation des coûts des denrées alimentaires. Pour compenser les impacts des mesures sanitaires (3 passagers taxi au lieu de 5 et 10 pour le mini-bus collectif ) et le ralentissement des échanges socio-économiques les populations revendiquent la solidarité des gouvernants (% sur leurs salaires et charges de fonctions) à donner le bon exemple pour la bonne cause commune et de soutenir les pertes de gains des travailleurs informels ainsi que les ménages faibles et les citoyens vulnérables tels les malades, mendiants et personnes vivant dans la rue. A ce stade le gouvernement malien a plutôt encouragé les administrés à la solidarité nationale par les dons personnels et des entreprises, pour participer aux efforts contre la pandémie au Mali. Dans ces attentes, le sujet polémique sur la fermeture des mosquées prend de l’ampleur dans les débats avec l’Imam Mahmoud Dicko politico-réligieux comme arbitre courtisé par toutes les tendances civiles qui est également pressenti pour mener les médiations pour libérer l’opposant Soumaila Cissé. Ainsi les Maliens sont dans l’évolution de ces différents scénarios de crises multi-dimensionnelles qui toutes touchent au quotidien des gens dans cette période d’incertitudes, le dernier Conseil des ministres d’hier a adopté la gestion de l’état par les lois d’ordonnances sans passer par l’Assemblée Nationale dont le deuxième tour reste à venir…