30 mars 2020 | DR Congo: Rapport de Victor Nzuzi
Victor Nzuzi est un paysan, journaliste et militant en République démocratique du Congo. Il est l'un des membres fondateurs d'Afrique-Europe-Interact.
En République Démocratique du Congo, le bilan a atteint 81 cas et 8 morts au total depuis hier la nuit. Deux conseillers du Président de la République sont déjà morts et un troisième proche du Président, un grand avocat, maître Mukendi. Dans la commune de Mont Ngafula à Kinshasa, une maman a administré un produit traditionnel à ses enfants pour la prévention, mais ce produit a intoxiqué et tué les trois enfants jeudi dernier. Ici, il est difficile de parler des malades déjà détectés, puisque souvent les gens ne vont pas à l’hôpital faute de moyens.
En province, à l’Est du pays, lturi et Bukavu sont déjà infectés. Il y a des soupçons au Kasaï. A Mbuji Mayi une femme venant de la Belgique a rendu visite à sa famille. Cette femme est morte à Kinshasa où elle devait se faire soigner après des manifestations des symptômes. Ainsi la ville de Mbuji Mayi est en panique.
La situation est très difficile: La capitale Kinshasa (12 millions d’habitants) est isolée, donc pas de sorties et pas d’entrées. Le gouvernement a fermé les écoles, les universités, les églises, les restaurants et les bars. Il est interdit d’être en groupe de plus de 20 personnes. Le confinement de la capitale devait avoir lieu samedi, mais le gouvernement a rapporté ça puisque la population n’a pas de moyens pour rester à la maison, sans sortir dans la rue.
Mais le gouvernement venait de décider de prendre en charge pendant deux mois les factures de l’eau et de l’électricité. Pour les prisonniers, il n’y a presque pas des solutions. Pourtant, le gouvernement a demandé la libération des prisonniers non-dangereux. Il cherche 150 millions de dollars pour le plan de riposte.
Nous vivons dans la peur: faute de moyens d’existence (la pauvreté) et aussi du fait que nous n’avons pas d’hôpitaux équipés. La situation est préoccupante surtout du fait que notre système de santé est totalement défaillant: des hôpitaux non-équipés en matériels et appareils, en infrastructures et mobilier (presque pas des chambres ou locaux pour garder plus de malades, souvent des lits sans matelas, …). Les masques coûtent 2500, presque 2 dollars. Mais il n’y a presque pas. En cas de problème de respiration, il n’y a que 60 appareil de respiration dans toute la ville de Kinshasa.
J’ai l’impression que la population ne prend pas conscience par rapport à la prévention: Surtout pour avoir à manger, il faut sortir et se débrouiller. Surtout le système de transport où les gens s’entassent est problématique. De même que l’insalubrité dans la ville. Bref, c’est compliqué. Nous suivons les images de l’Italie, de l’Espagne … ça rend triste. Que dire alors de notre Congo?
Nous au village, nous sommes très, très inquiets. Nous ne savons pas ce qui va arriver. Nous sommes dans une situation extrêmement difficile, nous devons surtout continuer le travail agricole. Nous devons aussi organiser la commercialisation des produits avec les regroupements des produits agricoles. Il faut donc envoyer nos maniocs, tomates etc. La vente à partir du village est difficile à ce moment. Il faut expédier nos produits à Kinshasa avec les petits camions. Et de là-bas avoir du savon, du sucre, du sel, des masques peut-être … Bientôt tous les contacts avec la ville de Kinshasa seront totalement coupés.
En tant que activistes, nous faisons beaucoup de communications téléphoniques pour les émissions de radio, pour éduquer la population. A ce moment, c’est aussi un problème d’éducation et de prise de conscience. Il faut beaucoup d’interventions dans les radios qui sont très, très suivies dans nos villages.
Dans une émission de radio hier, on a résolu d’initier la fabrication du savon local en cas de confinement total. Il suffit d’avoir un petit stock de soude caustique. En matière d’élevage et protéine végétale, on va relancer l’initiative des cobayes et lapins, du soja et du maïs. De cette façon, on peut avoir l’autonomie.