Octobre 2013 | Lampedusa à Hambourg - Le droit de rester !
Appel à l'intention du Sénat de Hambourg de la part du groupe “Lampedusa à Hamburg”, pour la recherche d'une solution s'appuyant sur l'article 23 du droit de séjour ou de tout autre dispositif permettant d'aboutir à une solution collective.
“Ce que l'Europe ne comprend c'est qu'elle n'est pas responsable des mouvements de migrants et de migrantes, mais des conditions ayant provoqué ces mouvements” (Coordinamento Migranti).
A l'attention de Monsier Olaf Scholz, Maire et Sénateur de la ville de Hamburg.
Depuis le printemps dernier, 300 réfugiés africains vivent à Hambourg. Ils ont fui la guerre civile en Libye ainsi que la spirale des violences engendrées par l'intervention des forces de l'OTAN. Avant d'arriver à Hambourg, ils ont d'abord échoué à Lampedusa en Italie. Ces migrants (en majorité des hommes) travaillaient et avaient des revenus en Libye. Grâce à leur travail ils pouvaient envoyer de l'argent à leurs familles ainsi qu'à leurs proches. Lorsque les programmes européens d'assistance aux réfugiés issus du conflit libyen prirent fin, ils se retrouvèrent littéralement jetés à la rue. Tous avaient obtenu le statut de réfugié en Italie. Mais ils n'étaient en revanche autorisés à séjourner et à travailler qu'en Italie. Or, le contexte de la crise économique conjugué à l'absence totale de soutient de l'administration italienne leur a obstrué l'accès à une existence autonome et digne de ce nom, et c'est contraints par la nécessité qu'ils ont poursuivi leur route jusqu'à Hamburg, dans l'espoir de reconstruire leurs vies, tout comme l'ont fait d'autres réfugiés dans d'autres pays d'Europe. Malheureusement, ici ont les traite comme des êtres sans aucun droits. En arrivant ici ils ont pu bénéficier d'hébergements, dans le cadre des programmes d'urgence hivernaux. Mais lorsque les dits programmes ont pris fin, ils durent retourner à la rue. Ils se sont alors constitués en groupe et ont entamé une campagne pour leurs droits. Ils ont depuis obtenus de nombreux soutiens de la part d'acteurs locaux, de l'église évangélique, de la communauté musulmane, des syndicats Ver.di et GEW ainsi que de la part d'un nombre croissant d'habitants. Certains de ces réfugiés sont hébergés dans des mosquées, chez des habitants. Un groupe de 80 d'entre eux a trouvé refuge dans l'église de Saint Pauli, alors que d'autres, moins chanceux, dorment encore dans la rue. Ils se sont liés d'amitié avec le voisinage. Le club de football de saint Pauli leur apporte un soutient actif. La célèbre troupe théâtre “Thalia Theaters” a fait une lecture publique d'un texte de Elfiede Jelinek ( la récente prix Nobel) traitant de la question des réfugiés, au sein même de l'église du quartier. Leur combat pour la reconnaissance de leurs droits s'est, de fait, mué en un combat contre la politique d'exclusion de l'Europe envers ses demandeurs d'asile. A Hamburg, cette question est devenue une question largement débattue au sein des médias et une préoccupation quotidienne d'un nombre toujours croissant d'habitants.
Nous n'acceptons pas, Monsieur le Maire et Sénateur de la ville de Hamburg, que vous disiez que le destin des réfugiés dont nous parlons ici soit du ressors de l'Italie. Nous n'acceptons pas d'avantage que vous ayez ordonné la mise en place de contrôles d'identité basés sur des critères racistes (contrôle au faciès), dans le but d'arrêter ces réfugiés et les expulser vers l'Italie, sans aucune considération pour les conditions de vie concrètes qui les attendront une fois sur place. De nombreuses cours de justice allemandes ont pris acte du fait que l'Italie, pas plus que la Grèce, ne sont des pays où sont respectés les droits humains des réfugiés. Or, non seulement vous-vous refusez à entamer un dialogue avec ces réfugiés de guerre et leurs avocats, afin que puissent être trouvées des solutions concertées, mais vous avez aussi clairement annoncé qu'aucun dispositifs d'urgences hivernal ne sera mis à leur disposition cet hiver. Dans un des pays les plus riche d'Europe, agir de la sorte est non seulement inhumain, mais c'est aussi et surtout une honte. Aujourd'hui vous avez même entamé des actions visant à entraver les efforts de l'église et de ses soutiens, toutes ces personnes de bonne volonté qui tentent de mettre en place leur propre programme d'urgence hivernal, sans votre aide. C'est inacceptable ! Ces agissements équivalent à une déclaration de guerre contre la société civile. Priver sciemment un groupe humain de ses droits et des ressources qui lui permettrait tout juste de survivre procède d'une logique raciste. Ces traitements ne sont ni conformes ni justifiables au regard des dispositifs juridiques européens préconisés en matière de politique des réfugiés. Au contraire. Ils démontrent à quel point il est urgent de se débarrasser et de mettre un terme à ces logiques discriminatoires.
Le 3 octobre dernier, plus de 300 personnes ont perdu la vie, dans le naufrage d'un bateau transportant plusieurs centaines de réfugié(e)s, aux abords des côtes italiennes, au large de l'île de Lampedusa. Une personnalité appartenant à la commission européenne en charge des politiques intérieures, Cecilia Malmström, lança un appel au près des pays membres afin que ces derniers fassent preuve de solidarité, aussi bien envers les migrants eux-mêmes qu'envers les pays qui doivent faire face à un accroissement des flux migratoires. Le pape, en personne, qualifia les évènements de Lampedusa de “ honte”, et il appela à prier pour le salut des victimes de la tragédie. Mais dans les faits, les dispositifs frontaliers de l'Europe s'obstinent à vouloir empêcher les migrants et les réfugiés d'atteindre le continent européen en sécurité, au moyen de dispositifs des visas renforcés, en mettant en place le fameux Frontex ainsi que des moyens techniques hautement sophistiqués, tel que le système EUROSUR inauguré quelques jours seulement après la tragédie de Lampedusa, sans oublier les coopérations entre navires de gardes-côtes issus des deux rives de la méditerranée. Navires qui, dans certains cas, n'hésitent pas à ouvrir le feu sur les embarcations des réfugiés en haute mer. Nous sommes arrivés à une situation où l'on a criminalisé l'aide apportée à des “boat people” !
Lorsque des migrants, parviennent en Europe, des accords tels que ceux de Dublin II et III, ainsi que l'espace Schengen tel qu'il est établi aujourd'hui limitent la liberté de mouvement des personnes non issues de la communauté européenne. Cette année, plus de 25.000 migrants sont arrivées par bateau en Italie. Soit trois fois plus que l'année précédente. Mais les pays d'Europe, en particulier l'Allemagne, se refusent à accueillir d'avantage de réfugiés et essayent de renvoyer en Italie tous ceux qui sont arrivés en Europe par l'Italie, malgré et contre des décisions de justice. La maire de Lampedusa a menacé d'envoyer des cercueils contenant des réfugiés morts en mer aux états refusant de dénoncer les accords en vigueur
Partout en Europe et de chaque côté de ses frontières, des migrants et des réfugiés luttent contre ces politiques inhumaines :
- Des réfugiés du camp de Choucha (suite à la guerre en Lybie) , à la frontière tunisienne ont réclamé un transfert dans des pays sûrs (Resettlement). Mais au terme de nombreuses protestations, en Tunisie, seulement 201 d'entre eux furent autorisées à se rendre légalement en Allemagne, sur le demi million de réfugiés qui avait fui les combats en Libye. D'autres pays européens n'en n'ont recueillirent que quatre : trois en Angleterre et un en France. Aujourd'hui, 400 personnes demeurent encore dans ce camp alors qu'il fut fermé officiellement en juin dernier. D'autres réfugiés organisent depuis six mois un sit-in devant les bureaux de UNHCR à Tunis
- Au Maroc, des centaines de migrants se sont rués sur les barbelés de l'enclave de Ceuta et de Melilia. 300 d'entre eux ont réussi à atteindre le sol européen.
- En Juillet dernier, sur l'Ile de Lampedusa, environ 250 migrants refusèrent de donner leurs empreintes digitales afin de ne pas être renvoyés en Italie au moment d'atteindre d'autres pays européens.
- Des églises et divers bâtiments à Vienne, à Paris, Bruxel, Amsterdam mais aussi dans d'autres villes européennes ont été occupés par des réfugiés s'étant retrouvés à la rue et sous la menace imminente d'une expulsion.
- Partout en Allemagne, des milliers de réfugiés luttent contre les mesures d'expulsion et l'obligation qui leur est faite de devoir vivre dans des camps. Pour leur liberté de mouvement et leur droit à rester.
Depuis qu'ils se sont retrouvés piégés par la guerre en Libye, et par l'intervention militaire de l'OTAN qui a suivi, les trois cent et quelques réfugiés africains, dont le groupe se nomme désormais “Lampedusa à Hamburg”, ont été déportés plusieurs fois, et ont dû subir des expulsions à répétition. Ce dont ils ont besoin aujourd'hui c'est d'une solution globale, qui puisse s'appliquer à l'ensemble du groupe. Vous, Monsieur le Maire, ainsi que le Sénat de Hamburg, vous avez la possibilité de fournir cette solution. En mettant en oeuvre l'article 23 du droit de séjour, par exemple. Ce sera pour vous une occasion de faire preuve d'exemplarité vis-à-vis d'autres états européens, afin que soit impulsée et encouragée une autre politique en faveur des réfugiés. Nous avons tous besoin de ces changements politiques. Nous, les citoyens lambda qui voulons pouvoir apporter notre soutient à tous ceux et celles qui ont souffert des horreurs de la guerre. Nous les humains qui croyons autant aux principes des droits de l'homme, qu'au droit de chacun et chacune à disposer pleinement de sa liberté de mouvement. Afin que ce droit soit respecté et appliqué pour tous et partout.
Au regard des victimes qui ont péri en Méditerranée, et qui sont la conséquence des politiques européennes, nous lançons un appel au sénat de Hambourg :
- Soutenez les survivants ! Mettez un terme à vos politiques inhumaines d'exclusion et de déportation.
- Acceptez et accordez le droit de rester aux personnes de “Lampedusa à Hambourg” !
- Soutenez les efforts allant dans le sens d'un changement des politiques européennes en faveur des réfugiés, pour la reconnaissance de leur dignité et de leurs droits.