La crise malienne : Quel processus politique, et quelle réconciliation nationale?
Pour un Dialogue inclusif et une paix durable (Déclaration de la section malienne de Afrique-Europe-Interact)
Date et lieu : 04 Mai 2013 au Carrefour des Jeunes de Bamako
Depuis Janvier 2012, le Mali traverse la plus grave crise socio- politique et militaire de son Histoire. Plusieurs événements majeurs ont secoué les fondements institutionnels et socio- économique mettant à mal l’existence même de la Nation. L’intégrité du territoire a été remise en cause au début de l’année 2012 lorsque le Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA) a attaqué les positions de l’armée Malienne au Nord pour revendiquer l’indépendance de cette vaste partie du pays. La cohabitation des populations se trouve menacée dans ces 3 régions du Nord et plusieurs milliers de personnes se retrouvent déplacées au Sud ou asilantes dans les pays voisins. La présence antérieure du groupe extrémiste AQMI au Nord-Mali depuis une décennie a occasionné des alliances locales solides qui ont aboutit à la neutralisation de l’Etat et facilité l’occupation totale du Nord en juin 2012. D’autres groupes armés djihadistes, Ançar Eddine et le Mouvement pour l’unicité et le jihad en Afrique de l’Ouest (MUJAO) sont ensuite créés pour renforcer le contrôle de ces 3 régions et y imposer une application forcée de la Charia. Diverses violations graves des droits de l’Homme ont été enregistrées durant cette triste occupation et les menaces de conflits inter- communautaire sont appréhendées par les ONG.
La présence des groupes extrémistes armés au Nord et le coup d’Etat du 21 mars 2012 ont été diversement interprétés et impacté sur la cohésion sociale par des divisions et prises de positions antagonistes parmi les acteurs politiques et les mouvements de la société civile. Après les dissensions d’approche sur le soutien militaire pour « sauver » le Mali de l’annexion totale des groupes Djihadistes et pour prévenir l’expansion dans la sous- région ; des initiatives d’actions militaires ont été développé par la communauté internationale. La Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), l’Union Africaine (UA) et la France ont proposé le projet de déploiement d’une force africaine, et la résolution 2085 du Conseil de sécurité de l’ONU valide le 20/12/12 l’intervention militaire au Nord du Mali.
Pour les populations maliennes, le sentiment d’avoir été « libérées » par l’intervention militaire française entamée le 11/01/2013 est une réalité. Au lendemain de la libération de Kona, cet engagement militaire soudain a recueilli un large soutien avec des scènes de joie. La compréhension du citoyen Malien ordinaire se situe dans la nécessité de mettre fin à l’avancée des groupes djihadistes que parce que l’armée malienne n’aurait pas pu repousser. La France s’est engagée dans la destruction des forces des groupes armés Djihadistes et avec l’Armée Malienne l’offensive de libération des villes du Nord se poursuit jusqu’à ce jour.
Tandis que les troupes militaires Africaines de la sous- région se déploient sur les fronts, la pression psychologique des Djihadistes diminue mais les menaces sur la sécurité, la stabilité et la coexistence des différentes communautés restent permanentes parmi les populations. Le Gouvernement de transition, la CEDEAO, l’UA et les Nations unies sont à la recherche de solutions de stabilisation permettant d’offrir au Mali une stratégie de sortie de crise qui intègre la sécurisation du territoire, la protection des civils, le dialogue inter-malien inclusif, le redéploiement de l’Etat au Nord et l’organisation d’élections crédibles et non violente.
L’armée Malienne participe aux cotés des forces Françaises à la reprise successive des villes importantes du Nord, Gao et Tombouctou. Dans la région de Kidal, c’est plutôt les forces Françaises et Tchadiennes qui sont présentes sans l’Armée Malienne, essentiellement pour poursuivre les combattants Islamistes dans leurs refuges et détruire leurs stocks d’armes, de munitions, d’essence et de vivres. Pour la France, il s’agit bien de « finir le travail », et de sauver les otages Français dans le contexte d’une guerre déclarée contre le terrorisme. Néanmoins il reste difficile de savoir à partir de quel moment les capacités des groupes djihadistes auront été suffisamment réduites pour ne pas exposer les populations civiles à des attaques terroristes et permettre le positionnement stratégique des forces de l’actuelle Mission internationale de soutien au Mali sous conduite africaine (Misma) qui est en cours.
L’opposition entre solution militaire et solution politique face à la crise devient aussi pertinente après l’intervention qu’avant le début des frappes aériennes Françaises à Kona. La sécurisation du Nord est loin d’être acquise et l’Etat demeure absent de la région de Kidal, dont le MNLA revendique le contrôle. Les responsables rebelles font face à des hommes en arme déstructurés et certains éléments de l’Armée Malienne sont soupçonnés de commettre de graves exactions contre des civils notamment touaregs et arabes accusés indistinctement de collusion avec l’ennemi. Les appréhensions sur l’amalgame indiquent des incidents notables à caractère de « justice du vainqueur » dans les offensives de libération.
Enfin, le gouvernement de Transition a annoncé et maintient le mois de juillet 2013 pour la tenue de l’élection présidentielle alors que les conditions techniques, politiques, sécuritaires et psychologiques nécessaires ne seront pas réunies. Le réalisme politique devrait conduire les autorités et la Communauté Internationale au bon choix du processus de sortie de crise au Mali en tenant compte des facteurs qui ont amené à cette crise.
Ni la présence prolongée de l’armée française, ni la transformation de la Misma en mission de stabilisation de l’ONU ne peuvent se substituer à l’immense chantier politique auquel les autorités intérimaires, les acteurs politiques et la société civile doivent prêter l’attention. Les défis se posent au niveau du dialogue politique à Bamako, du dialogue intercommunautaire au Nord, de la formation des membres des forces de sécurité et de défense contre toute exaction et du redéploiement de l’Etat au Nord. Il faut organiser des élections pour asseoir un Gouvernement normal mais pas à n’importe quel prix : le travail de reconstruction sociale doit être enclenché, tout comme la fourniture de services sociaux et économiques aux populations du Nord pour favoriser un retour progressif des milliers de déplacés et de réfugiés Maliens. Le rejet de l’opinion publique de négociations avec le MNLA est réel et il faut une forte volonté politique pour combattre les amalgames entre rebelles, terroristes, narcotrafiquants et Touareg ou Arabes. La campagne électorale précipitée ou le passage en force d’une solution exclusive risque d’aggraver encore la fracture du contrat social Malien.
La focalisation de l’opinion nationale et internationale sur la guerre contre le terrorisme ne laisse aucune place à un examen dépassionné des vrais problèmes du Nord. Parmi les causes de la crise, la corruption et le laxisme dans la gouvernance viennent loin devant un problème terroriste, touareg ou même Nord-Sud. La communauté internationale doit permettre aux Maliens de prendre leurs responsabilités devant l’Histoire et construire un processus inclusif. La manière la plus raisonnable et réaliste pour l’Etat de retrouver l’intégrité du territoire et d’y maintenir durablement la sécurité est de trouver un compromis avec les représentants des communautés, de donner des raisons aux populations les plus isolées de se sentir concernées par l’Etat en tenant compte de la vulnérabilité de ces vastes zones frontalières favorables aux mouvements d’armes et de trafiques divers et à l’émergence de rebelles.
Il est important et immédiat pour les organisations africaines et l’ONU d’harmoniser leurs positions sur les modalités du processus politique pour une sortie de crise durable au Mali. Le Mouvement rebelle MNLA devra exprimer maintenant les modalités de la participation de ses représentants à un dialogue ouvert sur les vrais problèmes du Nord en renonçant à la lutte armée pour donner des gages réalistes de stabilité aux populations Maliennes en général. La CEDEAO, l’Union africaine (UA), le Conseil de sécurité de l’ONU, la Mauritanie, l’Algérie, le Niger, le Burkina Faso et la France doivent communiquer le même message aux dirigeants à Bamako et intégrer les forces vives de la Nation aux recherches de solutions. Pour obtenir une victoire sur le terrorisme, l’extrémisme et le trafic de drogue les partenaires sous- régionaux et les acteurs internationaux doivent adopter de nouveaux mécanismes de sécurité au Mali impliquant tous les pays d’Afrique du Nord et de l’Ouest. Les partenaires du Mali doivent donner une nouvelle impulsion économique dans l’espace sahélo-saharien par des projets de développement transnationaux. Même de tels efforts ne résoudraient pas tout. Il faut le Dialogue inclusif au Mali et la mise en route du processus d’écoute des préoccupations des populations sur la reconstruction de la Nation Malienne.
La Section Mali du réseau Afrique- Europe InterAct initie le « Déjeuner Citoyen » afin de prendre une part active dans le processus de réconciliation intercommunautaire et de retour à la paix durable ; par l’organisation d’espace de débats sur la crise et les voies de solutions. Pour lutter contre les amalgames et briser les mures de méfiance entre les populations, AEI Mali encourager les autorités Maliennes à ne pas adopter une approche uniquement sécuritaire et répressive à l’égard des citoyens maliens qui ont adhéré à certains groupes armés, ni exclure les groupes revendiquant la ténue des Concertations Nationales. AEI Mali appelle le Gouvernement de Transition à comprendre les facteurs d’exclusion économique, sociale et culturelle qui ont pu favoriser les divers antagonismes et prendre l’initiative d’un débat public sur la réconciliation dans la société et les leçons à tirer de la crise actuelle.
Par définition, un processus politique inclusif ne doit exclure personne à priori. Ainsi, les mouvements armés, les groupes ethnoculturels de résistance, les associations de la Société civile, les élus, les leaders religieux et coutumiers des régions du Nord, en premier lieu, et ceux des autres régions du Mali aussi, ont tous vocation à prendre part au nécessaire dialogue inter-malien. Car, il faut assurer la prise en compte des intérêts de toutes les populations maliennes sans distinction de race, d’ethnie et de religion dans la reconstruction d’un Etat malien républicain et laïc, dans la restauration de la nation Malienne sur le socle de la justice et la démocratie : c’est le fondement du vivre dans la justice sociale et la Cohésion.
Objectif général :
Organiser un espace de débats citoyens et démocratiques sur les problématiques socio- politique de la crise au Mali et proposer ensemble des solutions consensuelles pour la paix et le développement au Mali.
Objectifs spécifiques :
- Inviter les organisations de la société civile, les autorités et les institutions au Mali à débattre sur les effets de la crise sur les populations et les impacts sur le développement social ;
- Organiser une assemblée citoyenne pour la réflexion sur les voies de renforcement de la cohésion sociale ;*
- Elaborer un cahier de recommandations pour les meilleures réalisations du processus de dialogue et réconciliation au Mali ;
Résultats attendus :
- Les organisations de la société civile, les Autorités Maliennes et les Institutions sont réunies pour débattre sur les questions des personnes déplacées, des réfugié-e-s et des populations locales conséquentes à la crise au Nord du Mali ;
- Une assemblée citoyenne est ténue pour discuter sur les opportunités et possibilités de renforcement de la cohésion sociale entre les diverses populations au Mali ;
- Un recueil des recommandations est effectué par la collecte des contributions faites par les organisations participantes au bénéfice du processus de dialogue et réconciliation nationale
Participants :
Les organisations des Femmes et des Jeunes, les associations des personnes déplacées, les Collectifs des Elus et des Autorités Coutumières, les Associations de Base pour le Développement Social.
Programme :
8H 30 – 9H00 Installation des invité-e-s et des participant-e-s
9h 15 – 9H 30 Mots d’ouverture et Présentation des invité-e-s et participant-e-s
9H30 – 10H 00 Pause Café Collectif
10H – 10h 15 Plénière pour l’adoption des thèmes à débattre et organisation des Ateliers
10H 15 – 13H 15 Ateliers de réflexions sur les problématiques de la crise au Nord Mali
13H 15 – 15H 00 Pause Prière et Repas Collectif
15 H 00 – 17 H 30 Assemblée Citoyenne (résultats des ateliers, contributions et recommandations) et adoption d’une plate- forme de suivi des actes du recueil.
Merci pour votre attention et espérant vous compter parmi nous