Devant la Commission des Affaires Etrangères de l’Assemblée Nationale du Peuple du Mali.
Ousmane DIARRA (Président de l’Association Malienne des Expulsés
Messieurs les Députés ; Honorables représentants du Peuple Malien,
Messieurs les membres de la Commission des Affaires Etrangères, des Maliens de l’Extérieur et de l’Intégration Africaine, je vous salue.
Par ma modeste personne ; l’Association Malienne des Expulsés vous remercie pour nous avoir donné l’occasion de venir vous présenter notre association et nos activités ; l’opportunité de vous formuler nos doléances et nos propositions pour une meilleure prise en compte des maliens immigrés en général et de nos compatriotes expulsés et refoulés en particulier.
C’est dans le cadre directe des expulsions que l’AME a vu le jour.
Les maintes démarches et propositions faites auprès des autorités de notre pays n’ayant pas donné des signes de résolutions de nos problèmes, l’incompréhension entre nous les expulsés et nos interlocuteurs d’alors nous a amené à un regroupement pour bien coordonner les actions et faire entendre notre voix.
Pour nos revendications face aux diverses injustices subies dans les pays d’accueil ; pour la récupération de nos biens laissés ailleurs, pour la considération de notre nouvelle situation au retour forcé dans notre pays d’origine ; il était nécessaire de mettre en place un cadre qui regroupe nos demandes, engager des discussions pour la prise en compte de nos problèmes ici et là-bas, donner l’information exacte en rapport avec nos conditions.
De 1996 à 1997 ; l’AME a mené la lutte pour le soutien et la défense des maliens expulsés.
Avec notre collectif de soutien composé de personnes ressources et d’autres organisations de la société civile nous avons régulièrement interpellé les autorités sur les conditions de notre expulsion et la prise en compte de l’arrivée brusque dans notre pays.
Nous les migrants maliens ; nous partons ailleurs pour chercher une amélioration de nos conditions de vie, nous rencontrons mille difficultés de transit ou de résidence dans les autres pays.
Les migrants sont indexés, pourchassés, parqués comme des bêtes dans les enclos et pour finir nous sommes rapatriés sans mesures d’accompagnement ou droits humains indus.
Les conditions de la rétention et de l’expulsion sont autant de thèmes à débats et aujourd’hui fortement médiatisées.
Les pratiques de maitrises et d’accompagnements mises en œuvre par les agents escorteurs sont au-delà de tous les droits et conventions internationaux en vigueur ; et même si certains pays n’ont pas adhéré à toutes celles qui concernent les migrants, il est universellement reconnu des droits fondamentaux à tout être humain.
A l’arrivée dans notre pays et après l’inscription au registre de la Police de l’Air et des Frontières nous sommes laissés à notre propre compte, abandonné de tous. On ne sait même pas quoi faire.
Après de nombreuses années passées à l’extérieur, la personne en retour forcé se retrouve seule face à ses interrogations et ne sait pas où se diriger.
La majorité d’entre nous ont laissé femmes, enfants et biens matériels à l’extérieur.
La précarité s’est installée dans la vie de nos membres qui ont leur femme et leurs enfants restés là-bas, ne bénéficiant même pas d’allocations ou de prestations sociales.
Nous vivons au Mali et nous pensons à notre vie brisée ailleurs.
Comment vivre quand on a laissé involontairement une partie de sa vie ailleurs, et que en plus l’on doit se refaire une nouvelle vie au pays sans préparation ni accompagnement.
Nombre d’entre nous ont été expulsé pendant qu’ils étaient en traitement médicaux, le plus souvent sous une prise en charge ou aide médicale d’état. Parce que même étant « sans papiers » ils cotisent à la Sécurité sociale et payent des impôts.
Il arrive aussi des expulsés blessés ou affectés physiquement par les coups, les insultes raciales, les ligotements avec du raban adhésif d’emballage aux bras, au torse et aux chevilles dans une mise en œuvre musclée qui a occasionné des fractures et des entorses des bras et des pieds, des commotions à la tête.
L’expulsé après avoir enduré tous les affres du retour forcé se trouve confronté à ses problèmes quotidiens et sans y être préparé cela est très difficile.
Ou aller, vers ou se diriger pour se réunir avec sa famille, récupérer ses biens et ses droits sociaux professionnelles, se réinstaller dans son pays, après tant d’années d’absence.
Vers quelles structures faut- il aller pour soigner les blessés, faire des consultations ou poursuivre des traitements interrompus.
Au regard de tous ces questionnements et face à l’attente des solutions ; l’association malienne des expulsés crée le 16 Octobre 1996 avec des maigres moyens et beaucoup d’ambitions a mis en place une cellule de sensibilisation à l’endroit du public, des conférences pour la réflexion et les débats, et des motions d’interpellation face aux politiques qui durcissent l’obtention de visa, barricadent les frontières et créent de fait les clandestins et autres sans papiers : des personnes qui n’ont d’autre crime que de vouloir jouir du droit universel humain n°13 «Toute personne a le droit de circuler librement et de choisir sa résidence à l'intérieur d'un État. Toute personne a le droit de quitter tout pays, y compris le sien, et de revenir dans son pays. »C’est-à-dire le droit d’aller ailleurs chercher une vie meilleure y résider un temps ou longtemps ; y rester ou revenir au pays d’origine.
Avec la redynamisation des activités en 2006, l’AME a initié une cellule d’accueil à l’Aéroport de Bamako-Senou afin d’offrir un soutien aux personnes en retour forcé vers le Mali.
Nous sommes chaque soir à l’accueil des expulsés pour faire venir en ville ceux qui n’ont pas de moyens, offrir on hébergement de 02 à 03 jours pour ceux qui n’ont pas de la famille à Bamako, aider ceux qui le veulent à regagner la région d’origine ou le pays pour les non- Maliens expulsés/ refoulés.
Avec l’aide d’organisations partenaires comme La Cimade, Droits devant, Médico International , Resf et des personnes de bonnes volontés nous avons acquis un local, du matériel de bureau et la mise en œuvre de l’accompagnement administratif, médical, juridique des expulsés qui sont accueillis et inscris dans nos registres.
De juillet 2007 à Avril 2008 l’association a accueilli à son siège 106 expulsés dont 31 hébergés, 12 suivis médicaux, 19 personnes aidées au transport, 07 suivis juridiques, 04 dossiers motivés pour l’obtention d’un visa de retour aboutis.
L’association est appuyé dans ses activités par un collectif de soutien d’où est issu notre plate forme d’appui juridique composée d’avocats, de juristes tels que la LJDH, l’AMDH, des hommes de lois qui nous aident à travers leur cabinet.
Les intervenants de l’AME ont reçu tous une initiation aux lois européennes et françaises de séjour et de résidence, renforcée par formation au suivi juridique dispensée par la Cimade.
Ce renforcement des capacités de nos intervenants à permit à l’association d’être plus efficace mais hélas beaucoup reste à faire, au vu de l’ampleur de la tache et de nos moyens.
L’exode rurale puis l’émigration à mis beaucoup de nos jeunes frères sur les routes du désert pour tenter de franchir la méditerranée par des moyens de fortune.
Ces routes sont prises par ceux qui ne peuvent obtenir de visa dans les ambassades à Bamako.
Ces migrants ‘ils ne sont morts noyés dans la mer, reviennent refoulés après avoir subis la rétention de longue durée, les brimades et les coups, la faim.
Ils sont ballotés de frontières en frontières pour finir abandonnés à Tinzawaten au nord du Mali.
Laissés à leur propre compte ils vivent encore dans l’enfer de l’aventure sauvage.
A la suite d’une mission à Gao et Kidal en Juin 2007, l’AME a installé une antenne locale pour accueillir les refoulés qui ont pu atteindre Kidal.
L’association à travers les 02 intervenants surplace enregistrent les personnes refoulés au commissariat de la ville et dans notre registre d’activités, héberge, soigne et accompagne au retour ceux qui veulent rentrer en famille, après avoir pris un laisser passer avec les autorités.
Du 15 juillet 2007 au 15 Mars 2008 l’AME a soutenu et aidé 583 personnes refoulées, dont 326 maliens, les autres sont des ressortissants de l’Afrique de l’Ouest et de l’Afrique Centrale.
L’association a aidé 63 personnes refoulées à rentrer en famille dans la région ou le pays d’origine, soigné ou aidé médicalement 27 personnes refoulées, 20 autres personnes aidées par la Croix Rouge, ensuite 01 personne malade mentalement accompagné dans sa famille, 01 personne étrangère décédée dont les parents à l’extérieur du pays ont été avertit. L’enterrement s’est fait après accord des autorités de la ville de Kidal.
Messieurs les députés, l’association malienne des expulsés par ma voix vous demande de donner une écoute attentive à ses doléances.- L’ AME dit non à l’expulsion et aux refoulements, oui à l’intégration des communautés.
- Nous souhaitons que l’assemblée Nationale s’intéresse et s’implique dans l’élaboration des termes de discussions des accords bilatéraux (les membres de la partie malienne de la commission mixte Franco- Malienne doivent éclairer les représentants du peuple avant et après la signature des accords qui engagent la vie des Maliens dans un pays donné).
- Nous exigeons l’externalisation des droits sociaux professionnels, sinon le remboursement des cotisations sociales et des impôts payés pour les personnes qui sont expulsées (leurs cotisations et leurs impôts sont acceptés et on refuse leur identité)
- Nous demandons la publication des accords bilatéraux qui seront signés.
- nous demandons la prise en charge des personnes blessées, ou maltraitées pendant l’expulsion.
- Nous demandons un fond de solidarité pour les plus démunis afin qu’ils puisent vivre ou rentrer dignement dans leur région d’origine.
- Nous demandons une attention particulière aux expulsés qui ont laissé leur femme et enfants dans le pays d’accueil, leurs dossiers de regroupement familial sont toujours rejetés sans motifs.
- Nous demandons d’être engagés dans les programmes de réinsertion et de développement (ce qui est jusque là réservé aux personnes en retour volontaire)
- Nous demandons respectueusement le concours et le soutien de l’Assemblée Nationale pour nous renforcer et rendre notre service social et humanitaire plus efficace auprès des personnes en retour forcé vers le Mali.
- Nous accordons beaucoup d’importance à cette séance, l’association est sensiblement honorée par l’invitation et je vous prie Messieurs les députés de transmettre au Président de notre représentation nationale toute la considération que nous vous portons, notre disponibilité et toutes les attentes qui fondent cette démarche sur un phénomène à caractère national, mais de dimension internationale.
Je vous remercie pour votre honorable et aimable attention.