21 août 2014 | Manifestation devant l'ambassade malienne et un ministère allemand à Berlin (avec photos & vidéo)
Plus d'informations & documents sur l'action: Cf. ci-dessous. L'appel international d'Afrique-Europe-Interact pour Sanamadougou et Sahou est disponible ici
Action in Berlin
Les deux villages Sanamadougou et Sahou à l'Office du Niger au Mali ont besoin urgentement le soutien politque. Ils sont affectés d'une perte de toutes leurs superficies à cause de l'accaparement des terres (progressivement effectué depuis 2010). Dans ce sens Afrique-Europe-Interact a organisé deux manifestations de solidarité, le 21 auôt, à Berlin, devant l'ambassade malienne et le ministre de la cooperation économique et développement allemand. Ici on trouve quatre documents:
- Les photos de cette action
- Une vidéo (15 minutes) de cette action (principalement en francais, un peu en allemand)
- Une lettre ouverte au Président du Mali
- Une lettre des villagois de Sanamadougou
- Le rapport officil sur Sanamadougou et Sahou qui banalise le problem extrêmement
Lettre ouverte au Président du Mali
Son Excellence Ibrahim Boubacar Keïta
Président de la République du Mali
Palais Koulouba
Bamako, Mali
Bremen, le 9 septembre 2014
Sur la situation à Sanamadougou et Sahou au Office du Niger
Votre Excellence,
nous nous adressons à vous aujourd'hui au sujet d'une affaire d'une urgence extrême, après avoir été reçus par trois hauts fonctionnaires de l'ambassade du Mali à Berlin, le 21 août 2014, à l'occasion d'un rassemblement de protestation.
Il s'agit des deux villages de Sanamadougou et de Sahou dans l'Office du Niger qui ont, ces dernières années, perdu une grande partie de leurs terres labourables et de leurs pâturages. La conséquence en est que les habitants sont aujourd'hui gravement touchés par la famine et que de plus en plus de personnes sont obligées d'émigrer, comme vingt-trois foyers de Sanamadougou l'ont déjà fait, rien que ces quatre derniers mois. A l'origine de cette situation, la signature d'un contrat de bail, le 31 mai 2010, entre le gouvernement malien et la Société Moulins Modernes du Mali de l'investisseur Modibo Keita (Contrat de bail Ordinaire N°001/PDG-ON). Il ne s'agit pas seulement (comme stipulé dans le contrat) de terres en friches, mais également de surfaces cultivables exploitées par les deux villages, bien avant la période coloniale.
Cela fait cinq ans que les habitants pointent ce problème crucial à l'aide de nombreuses lettres, pétitions et actions sur la place publique – à vrai dire sans succès. Avec l'aide de la CMAT (Convergence Maliennes contre les Accaparements de Terres), ils ont intenté un procès en justice à Markala, dont la première audience a eu lieu le 22 février 2012, mais qui n'a toujours pas abouti. Une lettre du Ministre de l'Administration territoriale, de la décentralisation et de de l'aménagement du territoire adressée au gouverneur en charge de la région de Ségou, le 22 mars 2013, lui enjoignant de mettre un terme aux agissements inhumains de Modibo Keita, n'a pas beaucoup changé la situation.
Par contre, les forces de sécurité de l'Etat sont intervenues à plusieurs reprises en employant la force; la première fois, le 18 juin 2010, lorsque Mobido Keita a fait abattre des arbres indispensables à l'économie agro-forestière, sans préavis. Plus de quarante paysans et paysannes ont été arrêtés, d'autres ont été blessés, pour certains gravement. Par la suite, des actes de violence ont été commis, entre autre par des membres de la gendarmerie, y compris des viols.
En Avril 2014, on aurait pu croire à une évolution de la situation, lorsque le cabinet du premier ministre décidait la mise en place d'une commission d'enquête (N°0011/PM-CAB, 4 avril 2014), mais le rapport final de cette commission, non encore rendu public, s'alignant pour l'essentiel sur les perspectives de Modibo Keita et de l'administration, a suscité une grande déception (“Rapport de mission relative à la Saisine de la Primature”). Concrètement, il y est concédé que l'administration de l'Office du Niger n'aurait pas pris soin d'informer suffisamment la population des deux villages. De plus, dans la conclusion, est exigé le paiement des indemnisations non encore versées. En même temps, tout ceci laisse entendre que la distribtution de la terre dans le cadre du contrat de bail serait une réussite sans bavure, que la question du dédommagement serait réglée et que de surcroît de nombreux habitants se seraient prononcer en faveur du projet. Ce que les chefs des villages de Sanamadougou et Sahou démentent formellement dans une lettre datée du 21 juillet 2014: ils signalent qu'aucun dédommagement n'a été effectué jusqu'à présent – sauf qu'ils ne peuvent pas être favorable à l'enlèvement de leurs terres. D'ailleurs, 90% des habitants sont remontés contre le projet. A défaut, l'investisseur mobiliserait sytématiquement des habitants du village voisin de Diaro pour des rendez-vous officiels, où ils se feraient passer pour des habitants de Sanamadougou et de Sahou pour y chanter les louanges du projet.
Les événements de Sanamadougou et Sahou ont fait parler d'eux bien au-delà du Mali: concrètement, le cas apparaît dans le rapport de l'Institut d'Oakland renommé sur les investissements fonciers en Afrique (1), et l'organisation des droits de l'homme FIAN international, représentée dans plus de cinquante pays, a interpelé vous, le Président, dans une lettre ouverte, le 19 décembre 2013 (2). Pour finir, de nombreux journalistes et plusieurs délégations se sont rendus dans les deux villages, ainsi que des militants de notre réseau en février, mai et août 2014.
En résumé, il n'y a pas que les actes de violence des forces de l'ordre qui sont bien documentés. Apparemment, non seulement le projet ne répond pas aux attentes, mais en plus, il transgresse l'article 43 de la loi malienne sur le droit foncier. Car dans le cadre de ce projet, de nombreux paysans et paysannes ont perdu leurs bases existentielles (ceci n'a pas été compensé par les quelques places de travail créées). Les villages connaissent maintenant la famine et c'est nouveau.
Monsieur le Président, face à cette situation, nous vous prions de faire tout ce qui est en votre pouvoir pour que l'on restitue leurs terres aux paysans concernés et pour qu'ils soient dédommagés pour les pertes subies. Pour appuyer notre requête, nous avons tout d'abord rédigé un appel européen pour la sauvegarde de Sanamadougou et de Sao (voir (3) ou le document ci-joint), dans le cadre d'un rassemblement de protestation devant l'ambassade du Mali et devant le ministère allemand de la coopération économique et du développement (BMZ), le 21 août 2014 (4). Car à nos yeux, le conflit de Sanamadougou n'est pas seulement un problème interne au Mali. En effet, c'est, entre autre, l'Union Européenne qui encourage et favorise les gros investissements dans les surfaces forestières, les terres arables et les pâturages, en inscrivant dans la loi le taux d'huile végétale entrant dans la composition du biodiesel. Le projet de consacrer, en Afrique, 60% (selon les estimations) des surfaces vendues ou données à bail à de gros investisseurs à la culture de plantes destinées à la production de carburant bio confirme cette tendance. C'est pourquoi, en lançant cette campagne de protestation, nous voulons convier le gouvernement allemand (ainsi que les gouvernements des autres pays de l'Union Européenne) à renoncer à cette politique énergétique qui affaiblit considérablement la sécurité alimentaire de la population malienne, entre particulier. Par conséquent, nous attendons des autorités allemandes qu'elles s'engagent en faveur d'un règlement pacifique des conflits de l'Office du Niger, dans le cadre de la coopération pour le développement sur le terrain – une requête que nous avons largement développée dans une lettre adressée au ministre allemand de la coopération, le Dr. Gerd Müller.
Nous tenons à préciser que nous ne nous sentons pas seulement liés amicalement aux paysans et aux paysannes de Sanamadougou et de Sahou, mais que le sort de la société malienne dans son ensemble nous préoccupe également. Notre préoccupation est de nature solidaire, c'est pourquoi il faut souligner que, début août, nous avons fait don de 10 tonnes de mil à Sanamadougou et Sahou. En ce qui nous concerne, nous souhaitons voir la mise en place d'une politique agricole qui considérerait les intérêts des petits paysans et paysannes comme une priorité – une revendication que nous partageons avec la section malienne de notre réseau transnational (5). Car ce sont eux qui jusqu'à aujourd'hui assurent une grande part de la sécurité alimentaire mondiale.
Veuillez croire à l'assurance de nos sentiments les meilleurs
Franzis Binder
(1) Comprendre les Investissements Fonciers en Afrique: Rapport Mali (2011): http://www.oaklandinstitute.org/comprendre-les-investissements-fonciers-en-afrique-rapport-mali
(2) http://www.fian.org/fileadmin/media/publications/OpenLetter_Mali_Dec2013.pdf
(3) http://www.afrique-europe-interact.net/?article_id=1202&clang=2
(4) A l'occasion de ce rassemblement, d'une durée de deux heures, nous avons remis à Madame l'ambassadrice du Mali la lettre ci-jointe, sous une forme légèrement différente.
(5) Afrique-Europe-Interact est un réseau d'initiatives de base du Mali, du Togo, de l'Allemagne, de l'Autriche et des Pays-Bas. Notre travail sur les deux continents est totalement bénévol et notre financement repose sur de petits dons.
Copie:
- Premier Ministre de la République du Mali
- Ministre du développement rural de la République du Mali
- Ministre de l'Administration Territoriale de la République du Mali
- Gouverneur de la Région du Ségou
- Président Directeur Général de l'Office du Niger
- Ministère allemand pour la coopération économique et le développement (BMZ)
- L'ambassade allemande à Bamako
- L'ambassade néerlandaise à Bamako
- L'ambassade suisse à Bamako
- L'ambassade autrichiennne à Bamako
- Les ambassades d'autres pays à Bamako