Boko Haram au Cameroun : les risques d'une conjecture
Par Peguy Takou Ndie, janvier 2015
Personne ne peut nier la présence de Boko Haram au Nigeria, au Niger et au Cameroun. Le chef actuel de la secte islamique Abubakar Shekau dans une vidéo où il revendique le massacre de 2000 personnes à Baga, a menacé les présidents du Tchad, du Cameroun, du Niger.
En leur crachant « les rois d'Afrique, je vous défie de m'attaquer, je suis prêt ». Une telle affirmation en dit long, Boko Haram est prêt à affronter plusieurs états à lui tout seul. Le silence des hommes politiques lui a donné le temps de s'organiser et de s'armer pour parer à toutes éventualités. Depuis plusieurs années, l'ombre de Boko Haram plane sans cesse à l'est de l'Afrique de l'Ouest en général et sur le Cameroun en particulier. L'omniprésence de la secte dans les derniers événements engendre des spéculations qui n'en finissent pas. La journaliste Fanny Pigeaud avait publié en août dernier sur Médiapark que derrière Boko Haram se cachait une rébellion. Certains observateurs politiques prétendent également que derrière ce même Boko Haram se cache la France, principale taupe qui fait et défait depuis les indépendance, les gouvernements en Afrique francophone. Dans l'interview du 21 janvier dernier à TV5 Monde, l'écrivain français Thomas Dietrich hauteur de « là où la terre est rouge », accuse le président Tchadien Idris Déby d'avoir financé Boko Haram. Au moment où les accusations et les interrogations fusent de partout, on se demande vraiment ce qu'est Boko Haram ? D'où viennent les armes et les chars de guerre qui lui permettent de faire sa démonstration de force ? Y-a-t-il une véritablement une rébellion au nord du Cameroun et quels sont les risques d'une conjecture autour de ce thème ? Pourquoi la communauté internationale semble muette devant les abus de cette secte ?
Qu'est-ce que Boko Haram ?
Boko Haram signifie « groupe sunnite pour la prédication et le djihad » est un mouvement salafiste djihadiste (c'est-à-dire un mouvement sunnite qui revendique le retour à l'Islam des origines). Elle a tôt fait de devenir une organisation paramilitaire avec laquelle il faut désormais compter et de qui il faut se méfier dans la sous-region, ( nord-Est de l'Afrique de l'Ouest). En effet, la secte islamique contrôlerait déjà dans cette région de l'Afrique, une superficie de la taille du Danemark. Elle étend son influence aussi bien au Nigeria, au Niger qu'au Cameroun. Elle encercle depuis des mois la ville de Maïduguri dans l'état du Borno et garde plusieurs villes sous son contrôle. C'est une véritable force, organisée et équipée qui compte plusieurs centaines de milliers d'hommes. Le journaliste nigérian Ahmed Salkida estime à 50 000 le nombre de ses sympathisants. Elle est considérée depuis des années comme une faction dissidente au Nord du Nigeria et s'est battue plusieurs fois contre l'armée régulière et les commissariats dans ce vaste pays d'Afrique. Oui, Boko Haram est un groupe à la fois rebelle et terroriste qui veut faire appliquer la Charia et créer un Khalifat. Son modus operandi est le même depuis plusieurs années, elle attaque par surprise les réserves de l'armée régulière, des gendarmeries, des commissariats pour augmenter sa propre réserve d'arme et de munitions. Elle braque également des banques, enlève des individus bien ciblés pour les échanger contre une rançon (c'est le cas de la famille française enlevée le 19 février 2013 et libérée deux mois plus tard contre une rançon se chiffrant à plusieurs millions d'Euro). La secte impose une taxe aux villages et villes qu'elle contrôle pour augmenter le financement qu'elle reçoit des grands commerçants et des hommes d'affaires.
Par ailleurs, la secte fait des incursions dans des villages isolés pour enlever des jeunes filles qui deviendront (c'est certainement le cas des jeunes lycéennes âgées de 12 à 17 ans enlevées en avril 2014 à Chibok), des bombes humaines (une jeune fille de 10 ans s'est fait sauter le 10 janvier dernier dans un marché peuplé de Maïduguri causant des centaines de morts), des mains d'œuvres faciles, des esclaves sexuelles, des ménagères, des cuisinières, ou tout simplement les femmes des soldats. Ainsi, une véritable famille pourra être fondée et les enfants nés des mariages forcés, seront éduqués selon les désirs de la secte, dans l'observation de l'Islam. De plus, la présence des femmes permet au chef de mieux gérer ses hommes, ils pourront donc satisfaire leur libido quand ils le veulent et rester organiser.
Lors des incursions, des jeunes hommes sont également enlevés, c'est le cas le soir du nouvel an de cette année où 40 jeunes hommes ont été définitivement séparés de leur famille. Par la suite, ils ont été soumis au lavage du cerveau par des maîtres de la Charia et apprennent un Islam fanatique, violent et toute-puissante. Les jeunes rompus à la cause de Boko Haram par cette méthode deviendront des soldats redoutables sur le champ de bataille, des hommes qui se battent pour une foi que l'on leur a inculquée sans demander leur avis, mais qui reste profondément ancrée dans leur cœur et dans leur âme pendant des années. Ainsi, même si Boko Haram est un jour détruite, ces hommes demeureront des menaces potentielles pour l'avenir des villes et des villages dans lesquels ils seront installés. En attendant la chute de la secte, l'armée camerounaise a démantelé le 24 décembre 2014 un camp d'entraînement de Boko Haram et libéré 84 jeunes âgés de 08 à 15 ans. La première menace que représente Boko Haram est donc due au fait qu'elle s'attaque aux plus faibles, aux enfants sans défense, qu'elle sépare les enfants de leur famille et les transforme en arme contre la famille et contre la société présentée comme le démon alors que les membres de la secte restent les seules véritables parents et amis, ceux-là qui font la volonté d'Allah et de son prophète. À ce jour, on estime à 1,5 million les personnes déplacées et 13 000 morts les victimes de Boko Haram depuis 2009. Elle s'attaque spécialement aux Chrétiens, aux autorités, aux étudiants et à la population civile. Il ressort de cette première analyse que les attaques régulières de Boko Haram ont pour but de recruter bien sûr, de s'armer et d'étendre son influence avec une violence inouïe. Mais d'où viennent les armes avec lesquelles Boko Haram opère ?
D'où viennent les armes de Boko haram ?
Les armes que Boko Haram achète ne devraient étonner personne. La Centrafrique et le le Tchad, sont depuis des années des zones à risque où le président ne peut prétendre rester au pouvoir pendant plus de 30 ans sans que des rébellion n'éclatent ou sans que des coups d'état ne font jour. Plusieurs fois déjà, ces pays ont été menacés de déstabilisation, la dernière en date est l'attaque de la Centrafrique par la Seleka, on se demande alors d'où venaient ces armes ? Il y a sans doute un très grand réseau de vente d'arme en Afrique centrale et des mouvements comme Boko Haram représente une véritable mine d'or. Les armes circulent sans problème au nord du Cameroun et continueront de circuler si rien n'est fait. Qu'il s'agisse des armes d'origine française, Israélienne, allemande ou russe, la vente d'arme aux groupes comme Boko Haram est sans contexte une évidence. La secte islamique achète des armes et des voitures de guerre venues du soudan aux trafiquants et se les font livrer dans les zones sous son contrôle ou sous le contrôle d'une faction rebelle voisine comme les Shebab en Somalie, les Muajo au Mali ou tout simplement, elle s'arme au Tchad. En effet, Thomas Dietrich affirme qu'Idris Deby, le nouveau pompier Pyromane de la sous-région, sert de couverture et revend à Boko Haram, les armes qu'elle achète à Israël ou aux occidentaux. C'est pourquoi, l'on a retrouvé entre les mains de Boko Haram, une partie des armes que le Tchad avaient achetée à Israël. C'est avec ces armes que Boko Haram essaie de déstabiliser les régions du Nigeria et du Cameroun. Elle parvient à semer le trouble et le doute, plusieurs observateurs nationaux et internationaux se demandent s'il y a véritablement une rébellion au nord du Cameroun et quels sont les risques d'une conjecture autour de ce thème ?
Y-a-t-il une véritablement une rébellion au nord du Cameroun et quels sont les risques d'une conjecture autour de ce thème ?
Le risque de la présence de Boko Haram demeure grand, d'abord parce qu'il peut être facile de se servir du nom de la secte pour armer une rébellion et ensuite parce qu'il y aura toujours des hommes libres qui peuvent s'engager aux côtés des rebelles. En effet, le Nord du Cameroun est l'une des régions les plus densément peuplé du Cameroun. Plusieurs centaines de milliers de jeunes y vivent sans emploi et sans avenir. Quoi de plus dangereux que des jeunes qui se baladent dans les rues sans vraiment savoir ce qu'ils feront de leur lendemain. Il est à noter que pour monter une rébellion, il suffit d'avoir de l'argent, un terrain propice et des hommes, le plus souvent des mercenaires à qui l'on propose ou promet un gros butin s'ils s'engagent ou si les dissidents prennent le pouvoir. La menace d'une rébellion au nord du Cameroun reste alors réelle et plus qu'avant d'actualité. Boko Haram existe et est déjà en elle-même une rébellion qui contrôle plusieurs villes dans Nord du Nigeria et en veut plus. Elle reste une menace pour nos enfants, pour nos filles, pour nos femmes, pour nos petits frères et pour nos frères qui, las de patauger, de mener une vie sans sens, peuvent se faire recruter dans l'armée rebelle pour donner un sens à leur vie. Les séquelles de Boko Haram peuvent également être lourdes de sens dans l'avenir et le traumatisme encore plus sévère surtout pour les enfants victimes de la barbarie des éléments de la secte térroriste, et temoin de la mort des membres de leur famille, de leur parents, le plus souvent décapités, fusillés ou abatus en leur présence. Plus cette nébuleuse prendra du terrain, plus elle lavera le cerveau de nos jeunes, et dans les décennies qui viennent, nos gouvernements feront face à plusieurs factions toute aussi redoutables que Boko Haram.
De plus, plus elle sera combattue au Nigeria, elle cherchera à se fixer ailleurs, c'est pour cette raison qu'elle fait des incursions régulières dans le Nord du Cameroun. Si Boko Haram recrute sans tenir compte de la nationalité, mais simplement en se basant sur le fait que la recrue est musulmane, le problème devient encore plus crucial, car il s'agira dès lors de lutter contre une secte qui inhibe les différences tribales pour unir les hommes dans un but commun et macabre et ainsi chercher à créer un nouvel état ou selon les réclamations de la secte, crée par la force un Khalifat fondé sur la croyance en un seul Dieu Allah. C'est la Djihad. Bientôt, les états menacés ne seront plus uniquement le Cameroun, le Niger et le Nigeria mais également le Tchad, le Mali, la Centrafrique et toute la sous-région. C'est d'ailleurs reconnu que Boko Haram a des liens avec les Shebab et des groupes islamiques du Soudan, le bureau Afrique de la Fédération Internationale des Droits de l'Homme (FIDH), craint la formation d'une Djihad panafricaine et affirme d'ailleurs que plusieurs cellules existent au Kenya, au Sénégal et en Guinée. En effet, qu'adviendrait-il si des futurs putschistes pouvaient trouver en Boko Haram, un terrain d'où ils peuvent lancer des attaques ou préparer des coups d'états ? Il est nécessaire que tous les états se coordonnent pour donner une sévère défaite à Boko Haram qui prend des proportions inquiétantes. Sinon, comme le Nigeria avant lui, le Cameroun finira par se lasser d'une guerre à l'Afghane, sournoise et longue dont elle à peine à gagner pour se retirer et laisser la secte continuer à mener la danse et à agir à sa guise.
Il est important d'être contre toute forme de rébellion au Cameroun, car ceux qui, aujourd'hui, tuent les innocents ne pourront pas faire mieux demain pour ces derniers quand ils seront au pouvoir. En effet, ceux qui aujourd'hui, marchent sur le sang des innocents et des faibles, se baigneront dans le sang des opposants. Être un opposant au régime de Paul Biya ne signifie pas prôner le changement par les armes. La situation de la Syrie, de la Libye, de l'Irak, de la République démocratique du Congo et de la Centrafrique nous montre suffisamment le danger d'une guerre civile, d'un coup d'état militaire et d'une rébellion armée. Le Cameroun a besoin de grandir et non de rétrécir, il a besoin de tendre vers la démocratie et continuer à être gouverné par un gouvernement civil et non vers une dictature militaire imprévisible. Plusieurs Camerounais, veulent la paix, non pas celle qu'offre le président actuel, c'est un masque qui quittera un jour pour laisser apparaître l'illusion dans laquelle vivent de nombreux camerounais. Nous voulons le départ du président Paul Biya afin que le pays et sa population accèdent à la vraie paix. Il faut haïr, Boko Haram, qui menace la sécurité, l'œcuménisme, l'économie et la coexistence pacifique. Et lancer une Djihad sanglante qui menace les bases même de notre état laïc. C'est ensemble qu'il faut barrer la route à Boko Haram et s'inscrire contre ses agissements dont l'interprétation menace notre pays. Mais que dit la communauté internationale face à la montée de Boko Haram ?
Que dit la communauté internationale ?
Jusqu'ici, la communauté internationale reste amèrement nulle. En dehors des protestations vides, des discussions sommaires et stériles, rien n'est fait. Il y a en effet des cas plus urgent comme la Syrie, la Libye, l'Afghanistan, l'Irak. Mais il faut aussi dire qu'il appartient à l'Afrique de prendre ses responsabilités contre une plaie qui la ronge de l'intérieur. Tout ne viendra pas de l'occident et tout ne dépendra pas toujours des occidentaux. Comment l'Afrique compte-t-elle être un continent libre lorsque, 55 ans après les indépendances, elle demeure incapable de gérer des cas comme Boko Haram et supplie à genoux l'aide de la communauté internationale qui aujourd'hui encore, reste au chevet de l'Afrique comme un médecin qui surveille un malade à l'agonie ?. Bientôt, on entendra qu'une rébellion est née, un coup d'état à eu lieu et il faudra envoyer une force africaine pour le maintien de la paix. Or une paix future, il faut bien le dire, commence par l'éradication de Boko Haram et il revient à la sous-région de s'en charger. Il faut déjà saluer le Tchad qui vient d'envoyer un escadron à Maroua pour aider les troupes camerounaises aux prises avec les milices de la secte.
Pour terminer, les spéculations autour de Boko Haram au Cameroun, peuvent finir par créer une réalité dont nous étions très loin de nous en douter. Même s'il n'y a pas vraiment de rébellion ou de faction qui réclamera des attaques au nom d'un groupe camerounais qui demanderait officiellement le départ de Biya, nous pourrions dans un proche avenir nous retrouver dans cette situation. Pourtant, le Cameroun reste l'un des pays, qui n'est pas dirigé par une dictature militaire, l'alternance s'est faite jusqu'ici par la voix passive à défaut de la voie des urnes. Les Camerounais, ne s'attendent pas à un coup d'état militaire ou à une guerre civile qui plongerait le pays dans une lutte clanique interminable à la manière de la Libye, mais à un départ du chef du gouvernement Paul Biya et de son gouvernement soit, par la volonté du peuple comme ce fut le cas au Burkina Faso, soit par le départ volontaire du grand-père Paul Biya pour une retraite politique qui j'en doute, sera calme au regard des méfaits de cet homme et de la spirale de mauvaise gouvernance, de corruption qu'il a semé sur son passage. Nous ne voulons pas de rébellion au Cameroun, honte à ceux qui appelle une de tous leurs vœux dans ce pays, le sang des innocents criera justice. Nous voulons le départ du président Paul Biya, mais un qu'il soit poussé au-dehors par des citoyens qui sauront dire au dictateur octogénaire, ça suffit.
Boko Haram, tout comme le président Paul Biya doit partir du Cameroun. Une rébellion serait une occasion pour cette secte de mieux s'enraciner dans le nord du pays, ce qui est inacceptable. Des mesures doivent dont être prises par le président Paul Biya qui vit bien sûr ses derniers jours de règne pour éradiquer à jamais ce cancer.
Sources :
AFP
Reuters
BBC
Daily Trust Newspaper
Thisday Newspaper
Premium Times online
The Nation Newspaper
The Guardian Newspaper
Vanguard Newspaper
http://www.mediapart.fr/
http://www.lemonde.fr/afrique/article/2014/12/01/nigeria-explosions-et-tirs-a-damaturu_4531818_3212.html
http://www.rfi.fr/hebdo/20150123-nigeria-sahel-terrorisme-boko-haram-groupe-arme-proportions-inquietantes/
http://www.cameroon-info.net/stories/0,65091,@,cameroun-intervention-du-tchad-contre-boko-haram-l-ecrivain-francais-thomas-diet.html
http://www.dna.fr/actualite/2015/01/10/attentat-suicide-d-une-fillette-au-moins-19-morts
http://www.irinnews.org/report/94691/nigeria-timeline-of-boko-haram-attacks-and-related-violence
http://fr.metrotime.be/2015/01/08/news/nigeria-16-localites-du-nord-est-rasees-par-boko-haram-selon-des-responsables-locaux/