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Mare Nostrum: Une résistance venant d'en bas oblige l'Europe au sauvetage

Sept thèses sur la situation en Mer Méditerranée centrale

Certains actif*actives d'Afrique-Europe-Interact ont participé en écrivant ces théses.

Avec le texte suivant, nous, actifs*actives de différents réseaux concernant les migrations et la fuite, voulons lancer une discussion sur certaines réflexions concernant l'opération italienne Mare Nostrum et sur la situation actuelle en Mer Méditerranée centrale. En effet, durant ces derniers mois, en lien la traversée acharnée de Boatpeople et des critiques de l'opinion publique, la politique de migration de l'Union Européenne a été mise sur la défensive. Le sauvetage de chacune des personnes, multiplié par des milliers de personnes, est une nouvelle formidable, et qui permet de se tourner vers le futur: la fin du tombeau de masse en Mer Méditerranée. On devrait encore et toujours rappeler que ces mécanismes mortels d'exclusion et de contrôle sont devenus possible qu'à partir de 1993 à la suite de décisions politiques, mécanismes qui pourrait également disparaître du jour au lendemain. Ceci peut avoir lieu avec une pression à long terme venant d'en bas, et c'est justement le point de départ central des sept thèses suivantes, dont la dernière présente quelques buts d'action pour les mois prochains.

1. Des objectifs de la militarisation…
Sous les instructions du gouvernement italien, l'armée italienne a débuté fin octobre de l'année dernière avec l'opération “Mare Nostrum”. En réaction avec la « tragédie » du 3 octobre 2013 au large de Lampedusa, la marine lança une grande intervention pour sauver, ou plutôt intercepter à temps, les Boatpeople en mer. Toute une flotte avec aide aérienne a été mise en marche jusqu'aux alentours de la côte libyenne afin de garantir une surveillance complète. Cette nouvelle étape de la militarisation du contrôle des frontières avait un but de dissuasion à travers une précense militaire nouvellement déplacée, entre autre parce que les passeurs devaient pouvoir être identifiés et arrêtés encore en mer. De plus, les réfugiés*iées et migrants*tes des bateaux ont été fichés*ées, obligés*ées à donner leurs empreintes digitales et “scannés*scannées” selon leur pays d'origine, tout ceci dans le but de préparer la suite de la procédure pour la Sicile: les personnes d'Erithrée, de Somalie ou de Syrie devaient être fichées et être emmenées dans des centres de rétention. Par contre, les personnes du Nigeria, de Gambie ou d'autre pays sub-sahariens se retrouvaient dans la rue, et d'autres ont reçu des ordres de retourner dans leur pays d'origine. La situation des migrants*tes de Tunisie et d'Egypte était encore plus grave, le nombre de leurs expulsions a augmenté. Le fait que dès le début, un officier libyien se trouvait à bord d'un des bâteaux (à priori “pour observer”) montre très clairement que dès le début, l'opération Mare Nostrum avait d'autres objectifs.

2. … aux réalités du sauvetage
Ca s'est passé autrement: tous les “efforts de coopération” en Libye ont échoué, parce que les luttes de pouvoir ont rendu impossible de trouver un partenaire fiable. Depuis, tout le pays est considéré comme un état en échec (failed state). Mis à part quelques exeptions, tous les Boatpeople pris ont du être transportés vers la Sicile. Même dans les mois d'hivers et de printemps, des traversées ont eu lieu, toujours plus de barques partent en mars et d'un point de vue statistique, cette année est déjà une année record depuis fin juillet: par rapport au nombre d'arrivée, depuis longtemps il n'y a pas eu aussi peu de décès en Mer Méditerranée centrale que lors des cinq premiers mois de l'année 2014. De plus, Mare Nostrum devrait réduire le nombre de décès pour parer à une crise de légitimation du régime des migrations. En tant que programme de sauvetage en mer, Mare Nostrum est entre autre devenu pour un grand nombre de réfugiés*ées et migrants*tes un (demi-) pont vers l'Europe. Ceci devrait être compris et reconnu, même si ça parait très étonnant, comme une lueur d'espoir et un succès des derniers mois dont la signification ne peut presque pas être surestimée, surtout en considérant la souffrance des familles.

3. Le mouvement de migration détruit la forteresse militarisée
Malgré toutes les dissuasions à travers des laissé-morts calculés, malgré les violations systématiques des droits de l'Homme à travers des expulsions: c'est et c'était en première ligne l'acharnement du mouvement social de migration qui ont arrachés ce succès au contrôle coriace des frontières de l'UE. Une autre partie de la forteresse se détruit également. Les groupes de réfugiés*ées principalement de Syrie et d'Erythrée ont collectivement refusé ces derniers mois de donner leurs empreintes digitales, car ils avaient déjà connaissance du danger de devoir rester lié à l'Italie comme pays de demande d'asile, du manque de logement menaçant et du manque de perspective qui en découlent. Ils ont été finalement obligés de donner leurs empreintes digitales à Lampedusa et plus tard en Sicile, entourés d'unités de lutte de résistance. Des réfugiés*ées déshydratés*ées et à bout de force ont été attaqués*ées à répétition avec des chocs d'électrodes et par des actes de violence directe (y compris des fracture d'os). Résultat de ces affrontements, l'Italie se désiste de milliers de contrôles biométriques et ainsi de la “malédiction du doigt”, en d'autres mots de Dublin III, une constatation qui ne devrait pas faire oublier que le gouvernement italien essaie ainsi de rejeter sa responsabilité sur la question de la migration et essaie de faire pression sur le reste de l'Europe.

4. Conséquence des révoltes en Afrique du Nord
A la suite des mouvements de révoltes de 2011 en Tunisie tout d'abord, puis en Egypte et en Libye, trois gouvernements de garde d'Afrique du Nord pour l'Europe se sont disloqués. En Tunisie, le printemps arabe est encore palpable, le putch militaire en Egypte et la guerre civile en Libye reflètent un développement intérieur géopolitique fatal. Cependant, l'Europe n'a jusqu'à présent qu'en partie réussie à ancrer ces nouveaux objectifs d'un contrôle déplacé de migration. Certes, l'expulsion d'Harragas (brûleurs de frontière) d'Egypte et de Tunisie hors d'Italie fonctionne depuis longtemps. Les réfugiés*ées et migrants*tes d'Afrique du Sud-Sahara sont confrontés*ées à de larges privations de droit en Tunisie, y compris l'alternative cynique entre une rétention indéfinie ou le retour au pays “volontaire”. Et pourtant, l'intégration, dans une stratégie d'externalisation complète qui devrait freiner en particuliers la migration subsaharienne, fonctionne moins bien qu'avant, particulièrement dans la Libye en pleine crise.

5. Résistance et opinion publique critique en Europe
Un troisième facteur a pris de l'importance depuis le 3 octobre 2013: à travers toute l'Europe et surtout en Allemagne, les médias ont été plus critiques que jamais. Depuis ces 20 dernières années, la politique européenne de migration n'a jamais été autant remise en question. Devant les cercueils d'enfant à Lampedusa, les responsables politiques ont dû même s'arracher quelques larmes de crocodile. L'évènement décisif pour l'opinion publique et les médias n'était pas du tout tombé du ciel, elle reflète bien d'une protestation et d'une lutte croissante diverse des dernières années contre le contrôle des frontières de l'UE. Déjà de 2004 à 2006, des milliers de migrants*tes se sont noyés*ées, sans que la nouvelle se soit vraiment ébruitée. Ces dernières années également, plusieurs “tragédies de barque” ont eu lieu avec encore plus de personnes décédées que lors du 3 octobre, sans que cela suscite un tollé. En bref, les images terribles de Lampedusa sont apportées la goutte qui a fait débordé le vase. Des milliers de protestations et de commémorations pour les victimes aux frontières, des centaines d'actions contre les expulsions, et particulièrement l'organisation autogérée croissante de réfugiés*ées, tout ceci a fait que les responsables pour les victimes du contrôle des frontières se sont retrouvés sous une pression importante et que des slogans comme “Refugees Welcome” et “personne n'est illégal” ont atteint un nouveau niveau de soutien.

6. Retour à une mort en série
Alors que la presse internationale fait état régulièrement de la situation des réfugiés*ées sauvés*ées par l'opération Mare Nostrum, il règne un silence censuré depuis les deux derniers mois sur les catastrophes en mer entre la Libye et la Sicile. Concrètement, depuis mai 2014 les informations de surveillance augmentent, rapportant que les bâteaux militaires d'Italie se retirent de plus en plus de la mer au large de la Lybie, laissant ainsi des trous de surveillance croissants, et que la surveillance des côtes italiennes ne peut plus contenir. Certaines catastrophes en mer ont eu lieu malgré un appel SOS. Plus de 1300 victimes du contrôle des frontières sont la conséquence de ce retrait, alors que l'on se plaint dans l'opinion publique d'une opération bien trop coûteuse, et l'UE, en particulier le gouvernement allemand, refuse strictement toute demande d'une participation européenne. La suggestion, que Frontex devrait prendre en charge le programme de sauvetage, apparaît complètement absurde: l'agence européenne de protection des frontières n'a ni l'équipement, ni les capacités, et encore moins un intérêt de le faire. Frontex se bat plutôt pour un renvoi des réfugiés*ées et un contrôle de la migration par tout les moyens possibles.

7. Demandes et perspectives
Sauver par tous les moyens, dans toute la Mer Méditerranée et au large de la côte libyenne: c'est la demande actuelle la plus urgente! Car la vie en transit libyenne devient de plus en plus insupportable pour les réfugiés*ées, face aux tortures dans les centres de rétention et face au racisme comme il a eu lieu lors des affrontements guerriers dans la rue. Même l'UNHCR, “l'agence des Nations Unies pour les réfugiés”, s'est complètement retirée de la Libye. On doit réagir à l'appel SOS lancé par les Boatpeople, Mare Nostrum a montré qu'il est possible de le faire. De plus, il est important de continuer à développer rapidement les débuts des premiers réseaux d'alarme autogérés pour pouvoir exercer une pression en temps réel sur les responsables politiques, dans le cas où un sauvetage n'a pas lieu ou est retardé. Finalement, en tant que personne influente, le pape a réclamé des ferrys pour ceux qui en ont besoin, des possibilités d'arrivée légale sur un territoire sont demandées par différents groupes actifs dans la protection des droits humains. Une étape judicieuse serait que ces demandes ne soient pas accompagnées d'une réforme du contrôle des frontières, mais qu'elles soient liées à une critique de fond de la politique de migration européenne. La procédure de demande de visa et toute l'instrumentalisation pour marginaliser les personnes doivent cesser pour que le droit fondamental à la protection et à la liberté de circulation puissent exister. Liberté à la place de Frontex reste la bonne devise, et le chemin vers cette liberté doit être tracé à l'aide de structures renforcées autogérées et d'un soutien tout au long de la route.

4 août 2014: actif*actives venant d'initiatives et de réseaux de sociétés de recherche Fuite et Migration, d'Afrique Europe Interact, de Welcome to Europe et de transact!