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Memorandum sur L’Office du Niger

1.Le 12 février 2011, le président de la République se rendra dans le Kurumaari (Cercle de Niono) pour lancer les travaux d’aménagement de 1700 ha sur un total de 100.000 octroyés à l’Union économique et monétaire ouest africaine (UEMOA) dans la zone de l’Office du Niger. 
 
2.Ces dernières années, en vue d’attirer les investissements privés étrangers comme nationaux dans le secteur rural, l’Etat malien a cédé des centaines de milliers d’hectares de l’Office du Niger, sans aucune assurance, à ce jour, que cette politique de cessions de terres agricoles permettra d’atteindre l’autosuffisance alimentaire et d’assurer la souveraineté alimentaire de notre peuple. Ces cessions ont suscité et suscitent de profondes inquiétudes des populations installées dans cette région dont certaines risquent d’être chassées des terres qu’elles exploitent depuis plusieurs générations.
 
3.Le Mali est un pays à vocation agricole. L’agriculture, l’élevage et la pêche occupent plus de 80% de la population active.
 
4.Créé en 1932, autour du barrage de Markala, l’Office du Niger a un potentiel d’irrigation de plus d’un million d’hectares dans les zones du Kala, du Kurumaari, de Ké-Macina, du Méma, du Farimaké, du Karéri, du Kokeri et du Bewani.
 
5.L’Office a le monopole de la gestion de ces terres qui sont un titre foncier de l’Etat. Un décret du 1er juillet 1996 (N°96-188/PRM) consacre l’emprise de l’Office sur les terres aménagées et équipées, mais aussi sur celles situées dans les zones non aménagées, celles irriguées et celles pouvant l’être à partir des ouvrages du barrage de Markala (long de 816 mètres, construit de 1934 à 1947).
 
6.Il existe plusieurs modes de gestion de ces terres : le contrat annuel, le permis d’exploitation agricole, le bail d’habitation, le bail ordinaire, le bail emphytéotique.
 
7.En 78 années d’existence de l’Office, malgré les efforts consentis par les gouvernements successifs et les partenaires, le total des superficies aménagées oscille autour de 88 000 hectares sur un potentiel, rappelons-le, de plus d’un million d’hectares.
 
8.Après le coton dont la culture a été abandonnée en 1970, le riz est la principale production agricole de la zone. Les cultures maraîchères et la canne à sucre y sont également introduites. L’aménagement d’un hectare dans la zone coûte entre 3 et 4,5 millions selon la nature du sol.
 
9.L’Office du Niger est unique en son genre en Afrique de l’Ouest. Il devrait permettre au Mali d’assurer son autosuffisance alimentaire voire exporter un excédent de produits agricoles. Il est triste de constater qu’il n’a pas atteint cet objectif pour de multiples raisons, liées, entre autres, à la taille insuffisante de la majorité des exploitations familiales. 54 % des paysans installés à l’Office n’arrivent pas à couvrir les besoins alimentaires de leurs familles pendant toute l’année. Et l’Office n’arrive pas à produire assez pour couvrir les besoins de consommation des Maliens.
 
10.Malgré tout son potentiel hydro-agricole, le Mali a du mal à nourrir sa population estimée en 2010 à 15 millions d’âmes. L’autosuffisance alimentaire reste un objectif à atteindre. Bon an,  mal an, nous importons des centaines de milliers de tonnes de riz.
 
11.En vue d’accroître la production agricole, assurer l’autosuffisance alimentaire, et, éventuellement, exporter le surplus, les pouvoirs publics tentent, depuis plusieurs années, d’attirer l’investissement privé dans la zone Office du Niger.
 
12.Depuis 2003, une cinquantaine de conventions ont été signées avec des sociétés ou institutions maliennes ou étrangères pour près de 800000 hectares de terres. De nombreuses sociétés nationales et internationales participent à la ruée vers les terres agricoles du Mali.
 
Parmi les gros acquéreurs dans la zone de l’Office :
 

  • Huicoma (Mali), 100.000ha
  • Malibya Agriculture (Jamahiriya arabe Libyenne), 100.000ha
  • L’UEMOA, 100.000ha
  • AGROENER (Mali), 40.000ha
  • Le projet MCA (USA), 22.441ha
  • CAMEX (Brésil), 20.000ha
  • Société Yattassaye (Mali), 20.000ha
  • SOCOGEM (Mali), 20.000ha
  • SNF (Mali), 15.000ha
  • ILLOVO GROUP et SCHAFFER (Afrique du Sud et Royaume Uni), 14.000ha
  • PETROTECH (Mali), 10.000ha
*GDCM (importateur malien de riz), 7.400ha
 
13.Divers groupes étrangers parmi lesquels la multinationale Lonrho, des capitaux saoudiens, soudanais, chinois ont obtenu ou sont en voie d’obtenir de grandes superficies, certaines allant jusqu’à 50.000 hectares pour les saoudiens. La Lonrho convoiterait 100.000 hectares.
 
14.Au total quatre cent soixante douze mille hectares (472.000ha) ont déjà été cédés aux investisseurs étrangers. Les privés nationaux sont bénéficiaires de plus de deux cent trente trois mille hectares (233.000ha). Selon nos informations plus de vingt six mille hectares (26.000ha) ont été attribués à une dizaine de particuliers maliens.
 
15.En outre, si certains investisseurs étrangers aménagent les terres pour y installer des exploitants maliens (cas du Millenium Challenge Account) d’autres envisagent une exploitation directe en utilisant la main d’œuvre paysanne.

16.L’examen des conventions, lettres d’accord et baux par lesquels des centaines de milliers d’hectares du patrimoine foncier national ont été cédés au privé suscite interrogations et parfois indignation.

17.La facilité avec laquelle les terres agricoles ont été distribuées est étonnante. On a l’impression que la terre du Mali est cédée à titre gracieux, les signataires maliens ne prenant presque pas de précaution.

18.A l’occasion de la visite du président de la République sur les hectares de l’UEMOA, le Parti pour la renaissance nationale (PARENA) invite le Gouvernement à publier la liste complète des bénéficiaires de terres à l’Office du Niger et les superficies qui leur ont été accordées.

19.De même, les conventions d’établissement, les lettres d’accord, les cahiers de charges et toutes leurs clauses doivent être rendus publics sans délai. L’opacité qui entoure les cessions de terres à l’Office doit cesser.

20.La convention qui lie l’Etat à Malibya Agriculture ne comporte aucune date de signature. Elle est vague. Si les études d’impact environnemental et social de ce projet ont été menées, leurs résultats doivent être rendus publics. L’opinion doit savoir quel est l’impact du canal de 40kms considéré comme « le plus géant du Mali et l’un des plus grands d’Afrique » sur le reste du système hydraulique de l’Office. Quel est l’impact de ce fleuve intérieur (11 millions de m3 par jour, 4 milliards de m3 par an) sur les zones inondées du Delta central (Mopti, Youwarou, Tenenkou notamment) ? Quelle serait la destination du riz produit par Malibya Agriculture ? Le marché malien ?

21.Par ailleurs une information complète de l’opinion est nécessaire sur les 100.000 hectares alloués à l’UEMOA. Qui en seront les bénéficiaires ? Qui en seront les exploitants ?

22.La même exigence de transparence doit s’appliquer à l’ensemble des investisseurs privés qui ne semblent pas s’acquitter de leurs obligations contractuelles et dont certains se livreraient à la spéculation foncière sur des terres qui ne leur appartiennent pas.

23.Le PARENA n’est pas opposé à l’intervention du privé dans le secteur rural en général, à l’Office du Niger en particulier. Il pense toutefois que cette intervention doit se faire dans un cadre organisé, dans le cadre d’un Etat remobilisé et vigilant, qui crée les conditions du développement en protégeant le faible contre l’arbitraire.

24.Le PARENA recommande au Gouvernement d’organiser une concertation avec toutes les parties prenantes : la Direction de l’Office, les représentants du Syndicat des exploitants de l’Office, de la Confédération nationale des organisations paysannes, les représentants des investisseurs privés nationaux et étrangers, les élus locaux et nationaux de la région.

Bamako, le 9 février 2011